Deux amis de la région parisienne ont l’habitude, tous les étés, de venir nous rendre visite. J’avais prévu de commencer l’apéritif avec un Champagne Krug Grande Cuvée qui était rangé debout dans la porte du réfrigérateur. Ce que je n’avais pas vu, c’est que la bouteille était déjà ouverte et entamée aux deux tiers. Depuis combien de temps, je ne sais pas mais très probablement plus d’un mois. Je propose à mon ami qu’on l’essaie quand même. Bien évidemment il n’y a aucune bulle. Même si l’on sent une légère acidité, ce champagne se boit comme un agréable vin blanc délicat.
Nous grignotons du chorizo, un filet mignon de porc fumé, du saucisson et des fleurs de courgettes en tempura. Très vite je sers le Champagne Pierre Péters Les Chétillons Œnothèque 2002 que j’avais ouvert il y a une heure, avec un pschitt guerrier et expansif. Le champagne est d’une belle puissance. Il est incisif, de grande complexité, et ce qui le caractéristique le mieux, c’est l’ampleur. On est dans l’aristocratie du champagne de Mesnil-sur-Oger, la Mecque du blanc de blancs.
L’entrée est de belles tomates jaunes en pleine maturité accompagnées de bufflonne, ‘burrata di bufala’. Ce n’est pas forcément l’accord idéal, mais le champagne ne dévie pas d’un pouce de sa brillante performance.
Le plat principal est de l’agneau servi avec des petites pommes de terre ‘cerises’ cuites à l’ail. J’ai ouvert il y a près de trois heures le Château Lynch Bages Pauillac 1989. Il y a bien longtemps, sur un forum américain du vin, le fondateur ne cessait de vanter les mérites de ce vin, dans ce millésime, qu’il parait de toutes les qualités. J’en avais acheté de belles quantités, sur la foi de ses écrits. Quelle belle surprise ! Ce vin est irréellement grand. Il a tout pour lui, riche, velouté, évoquant truffes et fruits noirs. En plus d’une réelle puissance, il est gracieux et raffiné. Je pense alors aux Vega Sicilia Unico que j’aime tant, et je trouve des similitudes, au-delà des caractéristiques spécifiques qui leur sont propres. Alors j’ai eu envie de regarder si le Lynch Bages a autant d’affinités avec le camembert Jort que le Vega Sicilia Unico. C’est moins percutant avec le Lynch Bages car les tannins du vin espagnol s’accordent divinement avec le camembert, mais ça marche.
A chaque gorgée du Pauillac, je m’extasie. Je savais que ce vin est grand. Jamais je n’aurais imaginé qu’il soit aussi grand, parfait pour ainsi dire. Quel plaisir qu’un vin de trente ans soit aussi extraordinaire.
Le dessert est une tarte au citron meringuée qu’un pâtissier local exécute admirablement. Il n’est plus question de vin sur cette tarte si forte. Le champagne finit son parcours quand la bouche s’est apaisée.
Deux vins qui surperforment par rapport à mes attentes, c’est du rêve.