Mon fils vient déjeuner dans ma cave. Après une visite de la cave nous nous rendons dans la grande salle où sont présentées des milliers de bouteilles vides et où la table est mise. Des sushis ont été livrés et nous les mangerons en buvant un Champagne Taittinger 1966. Lorsque j’ai voulu il y a plus d’une heure soulever le bouchon j’ai vu de fines bulles apparaître au point de jonction entre le haut du bouchon et le goulot. Le bouchon était sorti entier, très beau.
La couleur du champagne est fascinante de beauté, d’un blé d’or, et la bulle est très active. Le champagne est raffiné. Il va s’élargir au fur et à mesure de son réchauffement cat il est sorti froid du réfrigérateur. On n’a pas la puissance d’un Comtes de Champagne, mais le charme et l’expressivité de ce champagne nous comblent d’aise. C’est un beau champagne de grande séduction.
Trois heures avant j’avais ouvert deux vins rouges. Le premier est d’une bouteille très ancienne au cul profond. La capsule indique très clairement « grand vin des Hospices de Beaune » ce qui est corroboré par l’étiquette quasiment illisible où l’on reconnait le dessin des Hospices. Le bouchon, quant à lui, montre l’année qui est sans ambiguïté 1922. C’est donc un Grand Vin des Hospices de Beaune 1922.
La jeunesse de ce vin est irréelle. Mon fils, buvant à l’aveugle, se disant que j’ai ouvert un vin très vieux déclare 1955 alors qu’il pense plutôt aux années 60. Ce vin de cent ans a une grande puissance et j’aurais volontiers pensé à un Musigny, mais il faut sans doute situer à Corton ce vin puissant. La structure du vin est solide et on aurait pu penser que le vin avait été hermitagé, mais les Hospices de Beaune ne sont jamais allés dans cette voie. C’est donc un supposé Corton très puissant, riche fruité, et à l’extrême longueur. Je suis de plus en plus sensible à l’émotion que procure un vin. Ce 1922 est d’une grande sensibilité. Sur un Brillat-Savarin il va trouver une dimension supplémentaire.
J’ai ajouté à ce repas une demi-bouteille de Clos des Papes Châteauneuf-du-Pape 1971. Ce vin nous donne l’impression de nous trouver face à la perfection du Châteauneuf-du-Pape. Je pense à Rayas, Beaucastel, Henri Bonneau et je me dis que l’on est bien au-dessus de tous ces vins, même si je les adore et même s’ils explorent des voies différentes de celui-ci. Sa rectitude, son entrain, sa palette si large de saveurs gourmandes, tout cela nous transporte en haut de l’Olympe. Quelle personnalité.
Mon fils me demande comment j’ai choisi les vins du repas. Le champagne a été choisi au hasard, en me promenant dans ma cave. Je n’avais pas d’idée préconçue mais je considère 1966 comme l’une des plus grandes années en Champagne.
L’inventaire de ma cave a été fait en indiquant le plus souvent pour les vins anciens l’état des niveaux. J’avais mis pour le vin de 1922 une indication « G » qui veut dire goulot ce qui est rare pour des vins si vieux. Et il y a pour quelques bouteilles l’indication de leur utilisation possible, dont certaines ont l’indication de mes enfants. J’ai donc choisi sur liste.
Le Clos des Papes, quant à lui, a été choisi pour un autre raison. J’ai acheté il y a peu douze demi-bouteilles de ce vin. Je voulais vérifier si mon achat était pertinent. Je sais maintenant qu’il l’est.
Classer ces trois vins n’est pas facile puisque tous les trois ont brillé par une jeunesse extrême, le 1966 ressemblant à un 1982, le 1922 ayant des accents de 1961 et le 1971 pouvant être confondu avec un 1995. Du fait de la rareté d’un 1922 qui se comporte aussi bien, je mettrais le bourgogne en premier. Le Clos des Papes pourrait être premier du fait de sa générosité éblouissante mais il sera second. Et le champagne si brillant est troisième mais adoré.
Boire des vins inattendus avec mon fils est un plaisir sans équivalent.
les bouteilles préparées pour le déjeuner. La 1/2 champagne ne sera pas bue.