Malgré la mauvaise réputation que l’on donne aux réunions de famille, qui seraient des sources de contamination très fortes, nous organisons un déjeuner avec mes deux filles, et deux petites-filles. Nous serons sept. J’ai eu l’envie de faire deux confrontations de vins. J’ouvre quatre heures à l’avance deux bourgognes, chacun de l’année de naissance d’une de mes filles. Un des bouchons, celui du 1967 vient en charpie tant il s’effrite, tout en restant collé au goulot. C’est une véritable dispersion. Il faut dire que la capsule du vin est en plastique et lorsque j’ai enlevé le haut de la capsule on voit que le bouchon a dû être attaqué par de minuscules parasites, qui ont provoqué cet égrenage. Le nez à l’ouverture est absolument superbe. Le bouchon du 1974 au contraire vient entier, sans aucune difficulté. Le parfum moins fort est tout aussi prometteur.
La première comparaison se fera entre deux champagnes Salon, le 1997 et le 1999. Selon une habitude persistante, le bouchon du 1997 est impossible à retirer à la main tant il est coincé dans le goulot. Il faut un casse-noisettes pour y arriver alors que celui du 1999 vient normalement. Les deux pschitt sont de belle énergie. Les champagnes ont été ouverts deux heures avant d’être servis.
L’apéritif consiste en des gougères faites par ma femme et des palets au parmesan aussi faits par elle, qui ont embaumé la maison de bon matin. Il y a aussi un saucisson de canard, de la tête de moine et des petites galettes goûteuses apportées par les enfants.
Le Champagne Salon 1999 est très clair, comme d’ailleurs le 1997. La bulle est abondante et assez grosse. Le vin est droit et linéaire.
Le Champagne Salon 1997 a la bulle plus fine. En bouche il est vif et large, gourmand et de belle personnalité. Au premier abord, la cause semble entendue, le 1997 est plus généreux et riche que le 1999. Mais il faut regarder plus loin. Le 1999 est très précis et il me semble qu’il est à maturation plus longue que le 1997. Je pense que dans dix ans il exprimera beaucoup mieux une personnalité plus complexe et profonde. Le 1997 est brillant maintenant et va le rester longtemps. Les deux ont un bel avenir devant eux.
Le plat principal est une pièce de veau qui est entaillée de tranches de lard et de parmesan. De petites pommes de terre en robe des champs complètent le plat. Le Chambolle-Musigny Coron Père & Fils 1967 a une couleur très foncée, un niveau parfait et un parfum intense et envoûtant. Il est riche large et gourmand. C’est un Bourgogne accompli qui n’a pas d’âge tant il est à maturité idéale.
Le Pommard Grands Épenots Michel Gaunoux 1974 au niveau aussi parfait a une couleur extrêmement claire. Le parfum de ce vin de la Côte de Beaune est excitant mais moins exubérant que celui du vin de la Côte des Nuits. En bouche, le goût est à l’opposé de celui du 1967. C’est un vin de belle râpe, sans concession, dont le côté salin évoque celui des vins de la Romanée Conti. Les deux vins sont parfaits et si dissemblables qu’il est difficile de dire lequel on préfèrerait. J’ai malgré tout une tendance à aimer les vins terriens qui ne veulent pas séduire et j’ai donc un petit faible pour le Pommard, sachant que le caractère gourmand du Chambolle-Musigny le met à quasi égalité.
Il faisait soif aussi ai-je ouvert sur l’instant un Château Mouton-Rothschild 1978 absolument superbe, le jeune premier conquérant doté aussi d’une belle sagesse qui a brillé sur les fromages, surtout sur un beau chèvre, et a accompagné poliment la divine tarte aux quetsches de ma femme.
Près de sept mois sans se voir, ce déjeuner était un besoin qu’il fallait combler. Ce fut un grand bonheur.
souvenir d’un Madère du 18ème siècle