‘Nous partîmes cinq cents mais par un prompt renfort…’ Ça s’est passé différemment. Nous devions être huit et nous nous retrouvons à quatre à déjeuner au restaurant Le Sergent Recruteur. Ce fut la valse des propositions de vins qui changeaient d’un jour à l’autre. Et j’ai même choisi d’autres vins le jour même.
Il y aura une américaine experte en vins qui connaît la terre entière dans le monde du vin et vit à New York, un de ses amis, ex Harvard, Mac Kinsey et autres Boston Consulting Group et s’est installé à Edimbourg pour y faire du whisky et un ami de l’académie des vins anciens, grand amateur de vins anciens.
Avec cet ami nous nous présentons au restaurant à midi alors que le rendez-vous est à 13h30 car nous voulons ouvrir quelques vins. J’ai apporté un Volnay Santenots Joseph Drouhin Hospices de Beaune 1959 au niveau assez bas qui est un peu imprécis à l’ouverture mais devrait se reconstituer lorsqu’il sera temps de le servir. Alain a apporté un Clos de l’Ecu Jaboulet Vercherre 1937 au parfum plus riche et plus franc. Le bouchon du 1937 est venu entier, très imbibé alors que celui du 1959 friable et collé au goulot est venu en miettes.
En attendant nos amis étrangers nous buvons une bière servie avec des toasts et de délicieuses rillettes. A 13heures j’ouvre le Champagne Lanson Red Label 1961 dont le bouchon s’est cisaillé. Son parfum est divin.
Les amis arrivent avec une profusion de vins que nous allons limiter. Pendant que je vais ouvrir les autres vins nous trinquons avec un Champagne Perrier-Jouët 1973. J’aime ces champagnes de belle évolution. Il est large, puissant, presque gras tant il est persuasif. C’est un beau champagne.
Pendant ce temps j’ouvre le Vega Sicilia Unico 1939 qui est la bouteille phare du repas. Le nez du vin est très discret, presque éteint, mais on sent la puissance sous-jacente.
Le menu que nous avons presque tous choisi est : tourteau de Roscoff en gelée de homard persillé, fouetté de fenouil et de corail / rouget en filet rôti, puis laqué d’une marinière de coquillages safranée, rouille, minestrone de coco de Paimpol, sauce anisée / selle d’agneau rôtie à la sauge et gingembre, dattes, opéra d’aubergine et riz noir, relevé par une napolitaine, jus corsé / fromages.
Lorsqu’apparaît le Champagne Lanson Red Label 1961 on prend conscience de l’extrême différence entre les deux champagnes. Le 1961 est vif, tranchant, noble et d’une folle jeunesse alors que le 1973 fait beaucoup plus notable de province et bon vivant. Ce Lanson de ce millésime fait partie de l’aristocratie du champagne.
Le Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus Bouchard Père & Fils 1976 se présente en toute perfection. Le vin émouvant est au sommet de son art. Il va encore progresser avec l’âge et rejoindra peut-être le mythique 1865 mais pour l’instant, c’est le gendre idéal. Avec le rouget, l’accord se trouve, de grande complicité.
Le Volnay Santenots Joseph Drouhin Hospices de Beaune 1959 a un parfum qui s’est restructuré. Il est léger, frêle et agréable. C’est un joli Bourgogne discret et plaisant.
Le Clos de l’Ecu Jaboulet Vercherre 1937 est beaucoup plus fort et structuré, mais ne m’émeut pas tant que cela. Peut-être un peu lourd et hermitagé.
Avec le Vega Sicilia Unico 1939 à la couleur presque noire et au parfum peu expressif, l’émotion me frappe comme un coup de poing. Ce Vega n’est pas le plus archétypal mais il est porteur d’une extrême émotion. Il est riche, entraînant, d’une belle longueur. Il n’a pas d’âge et nous emmène sur une gamme de goûts de pur plaisir. Ce vin est un instant de bonheur. La selle d’agneau avait accompagné avec bonheur le 1959 et le 1937. Il faut la force des fromages pour donner la réplique à cette merveille espagnole.
Nous sommes ravis de cette éclectique succession de vins. Le 1939 aura trois votes de premier et le Lanson un vote de premier.
Le vote du consensus est : 1 – Vega Sicilia Unico 1939, 2 – Champagne Lanson Red Label 1961, 3 – Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus Bouchard Père et Fils 1976, 4 – Clos de l’Ecu Jaboulet Vercherre 1937.
Mon vote est le même pour les trois premiers : 1 – Vega Sicilia Unico 1939, 2 – Champagne Lanson Red Label 1961, 3 – Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus Bouchard Père et Fils 1976, 4 – Volnay Santenots Joseph Drouhin Hospices de Beaune 1959.
Même si ces événements sont difficiles à organiser, le plaisir de boire de telles bouteilles justifie les efforts. La preuve en est que nous avons envie de recommencer.
avec le chef et le sommelier
avec le chef et les amis