L’événement du 15 août est un moment important dans ma vie depuis 20 ans. C’est un peu le point culminant de l’été car nous invitons ou rejoignons des amis gastronomes et appréciant les grands vins pour plusieurs repas autour du 15 août. Aujourd’hui, chez nous, nous sommes neuf. Les associations mets et vins ont été mises au point en fonction de mes choix de vins. Une équipe se forme en cuisine entre ma femme et un ami et je suis aidé pour la mise en place des vins par un autre ami.
L’ouverture des vins a démarré dès neuf heures du matin. Le gros problème a été celui du Haut-Brion 1980. Le liège du bouchon est très léger et se déchire avec une grande facilité. On ne peut pas tirer le tirebouchon sans qu’il ne déchire le liège qui colle aux parois. Il y a des centaines de morceaux autour de moi et des copeaux de liège tombent dans le vin. La solution est de verser le vin dans une carafe, de nettoyer la bouteille et de remettre le vin dans la bouteille. Le parfum du vin est superbe et prometteur.
Il convient de faire une remarque sur le Champagne Dom Pérignon magnum 1988. Pendant la préparation, pendant le repas, j’étais persuadé qu’il s’agissait d’un 1998. C’est seulement le lendemain que j’ai vu qu’il s’agissait d’un 1988 lorsqu’un abonné sur Instagram m’en a fait la remarque après avoir vu la vidéo présentant les bouteilles. Et ce qui est amusant, c’est que persuadé qu’il s’agissait d’un 1998, je n’ai pas remarqué qu’il s’agissait d’un 1988. Or la cape qui revêt le bouchon était manifestement assez vieille, le pschitt était discret, alors qu’un 1998 aurait été plus tonitruant, et la couleur dans le verre, d’un orange prononcé aurait dû m’interpeller. Mais dans le feu de l’action je ne mets pas en doute ce que j’ai annoncé.
Les amis arrivent à l’heure dite. Nous commençons a trinquer au 15 août avec le Champagne Dom Pérignon magnum 1988. Je demande à tous de prendre un peu de rillette pour accueillir le champagne. L’association avec les rillettes est à tomber par terre. Le gras de la rillette fait exploser les saveurs du champagne. Ce Dom Pérignon noble est plein de joie et de plaisir. Il y a beaucoup d’amuse-bouches, mais rien ne peut rivaliser avec la rillette.
Le Champagne Salon magnum 2007 a fait un gros pschitt à l’ouverture trois heures avant. Noble, aristocratique, encore un peu trop jeune pour moi, il est parfait avec le camembert Jort et avec la charcuterie espagnole.
Le menu a été composé par ma femme : Gambas et Wagyu / Pigeon et pommes de terre truffées / Fromages divers / Tarte Tatin / Mignardises.
C’est ma femme qui a eu l’idée d’associer les gambas au wagyu. J’ai choisi un Châteauneuf-du-Pape Beaucastel blanc Vieilles Vignes 2007 pour ce plat. L’association avec le vin est spectaculaire car ce vin puissant a suffisamment de gras et de largeur pour envelopper le wagyu. C’est probablement le moment le plus élevé et intense de notre repas.
Le Château Haut-Brion rouge 1980 a créé la plus belle surprise du déjeuner. A tel point que Haut-Brion a obtenu 7 voix de premier lors du vote final de 8 buveurs. C’est incroyable. C’est un grand moment sur les suprêmes de pigeon. Le vin est dense, presque charbonneux, noble et distingué. Une belle expression des vins de Graves.
La Côte Rôtie La Landonne Guigal 1989 est un vin de plaisir si agréable, sincère, fluide mais conquérant. Il est parfait sur le pigeon servi en deux fois, suprême et ailes. Il est tellement équilibré, heureux, apportant du bonheur. Le vin s’adapte aussi aux fromages dont un saint-nectaire de belle maturité.
Le Vega Sicilia Unico magnum 2000 est mon amour, surtout en magnum. Alors que 7 buveurs placent le Haut-Brion en premier, j’ai mis le vin espagnol en premier. Il a tout, du charme, de la puissance, une finale qui est un démon tentateur, un vin magnifique.
La tarte Tatin de ma femme devrait être inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco. Le Château Gilette crème de tête 1971, bien gras et épais mais pas transcendantal sera bien aidé par la tarte.
J’avais annoncé dans le programme un Jerez J. Ruiz & Co Prize sherries of Spain circa 1955, mais quand j’ai vu le bouchon conique et tout petit, imprégné du vin, je dirais années 40. Il est gentil, mais pas porteur d’une grande émotion.
Nous avons voté. Le vote des 8 buveurs est : 1 – Château Haut-Brion 1980, 2 – Vega Sicilia Unico 2000, 3 – Beaucastel Vieilles Vignes 2007, 4 – La Landonne Guigal 1989, 5 – Dom Pérignon 1988.
Mon vote est : 1 – Vega Sicilia Unico 2000, 2 – Beaucastel Vieilles Vignes 2007, 3 – Champagne Salon 2007, 4 – Château Haut-Brion 1980, 5 – Champagne Dom Pérignon 1988.
Dans mes dîners, il n’arrive jamais qu’un vin obtienne 7 votes de premier sur 8 buveurs. C’est complétement étonnant pour moi que ce soit le Haut-Brion 1980, mais tant mieux, car malgré un millésime plutôt discret, cela montre à quel point Haut-Brion est un grand vin. Est-ce que le passage en carafe puis le retour en bouteille ont joué un rôle dans ce succès. Voilà un beau sujet de méditation.
Les meilleures associations du repas sont : gambas wagyu au Beaucastel / rillettes au Dom Pérignon / Tatin à Gilette / pigeon à Landonne.
Chaque instant était parfait. Un moment de bonheur absolu et immense.
Comme ce repas a été fait selon les méthodes et règles de mes dîners, il sera considéré comme l’un des dîners de wine-dinners et portera le numéro 283, ce qui me permettra de m’approcher un peu plus vite du 300ème dîner.