L’avion des amis parisiens se pose en avance à l’aéroport d’Hyères. Selon la tradition nous trinquons à leur arrivée chez nous. Ce sera avec le Dom Pérignon 2004 ouvert la veille qui n’a pas perdu un pouce de sa fraîcheur et de sa vivacité. Il est très fluide et me donne l’impression d’une eau de montagne qui glisse sur des galets. Le vin offre de beaux fruits blancs. Je suis sous le charme de ce beau champagne.
Nous nous rendons à déjeuner chez des amis qui habitent très près de chez nous, en hauteur, avec une vue à couper le souffle sur Porquerolles, la Presqu’île de Giens et les marais salants. Connaissant le programme de vins de nos amis, j’ai apporté un champagne par lequel nous commencerons le repas qui va durer près de sept heures.
Le Champagne Dom Pérignon 1983 a un beau pschitt à l’ouverture. La couleur est d’un bel ambre prononcé. Dès la première gorgée, on sait que l’on est dans un monde complètement différent de celui du Dom Pérignon 2004. Il n’y a pas la vivacité du jeunot et c’est la maturité et la sérénité qui s’imposent. Ce 1983 n’offre pas de fruits mais se montre vineux. Il est long, marquant et gastronomique.
Notre amie offre toujours des apéritifs pantagruéliques : noix de Macadamia, saucisson, jambon Pata Negra, avocat concombre et crevettes mélangés, coquilles Saint-Jacques et de belles tartines de foie gras poêlé. Le Champagne V.O. Version Originale Jacques Selosse dégorgé en juillet 2018 est d’un magnifique accomplissement. Expressif et vif il est percutant mais suffisamment civilisé pour qu’on l’adore. Il est très à l’aise sur toutes ces saveurs qui auraient pu suffire pour le déjeuner.
Mais nous allons passer à table pour un repas lui aussi copieux. L’entrée que notre hôtesse appelle Ecoplat : lit de lardon, échalotes, artichaut piqué de haricots, vinaigrette, ail, huile d’olive et épinard, n’a pas de vin d’accompagnement. Nôtre hôte a aligné pour chacun trois verres qui vont accueillir trois bordeaux de 1982. Et à notre grande surprise, le Château Pape Clément 1982 a suffisamment de souplesse pour donner une réplique intelligente à l’écoplat.
Les vins sont prévus pour une daube de lotte présentée dans un large coquillage de pâte conchiglie. Les trois bordeaux ont des parfums qui sont tous plaisants et vifs. Le Château Pape Clément 1982 a un charme majeur. Ce Graves est d’une structure riche, mais c’est son charme, amplifié par ce millésime riche, qui parle à mon cœur.
Le Château de Longueville Baron Pichon Longueville 1982 est d’une grande noblesse. C’est ce qui le caractérise, tant il est ciselé et raffiné.
Le Château Figeac 1982 a un goût qui s’installe dans mon palais en terrain de connaissance. Je connais par cœur le goût de cet emblématique Saint-Emilion, aussi l’effet de surprise joue moins que pour les deux autres. Ce Figeac, s’il était seul, serait un bonheur absolu, mais le fait qu’il ne m’offre pas de surprise fait que je le classerai troisième des 1982, le Pichon étant le premier du fait de sa noblesse. Nous goûtons trois vins sans défaut, au sommet de leur art, épanouis grâce à une ouverture des vins par mon ami quatre heures avant le repas.
Pour les fromages nous buvons un Château Lynch-Bages 2001 d’une grande et belle fraîcheur et une solide structure. Il est agréable mais gagnera encore lorsqu’il aura l’âge des 1982 qui offrent plus de complexités.
Le dessert est un crumble de poire avec un sorbet poire judicieusement accompagné par un Champagne Taittinger Comtes de Champagne rosé 2006 riche et large et de belle soif sur un fond de forte personnalité.
Par gourmandise j’ai succombé à un sorbet menthe et chocolat qui m’a conduit tout droit dans les bras de Morphée sur un canapé, tant ce repas marque une rupture brutale dans le programme de régime draconien que je m’étais imposé.
Nos amis nous ont offert des plats délicieux (et copieux) avec des vins de très haute qualité. Nous remettrons le couvert chez nous dans deux jours.
belle couleur