Thierry et Laurent Gardinier invitent des fidèles du restaurant Taillevent pour un « déjeuner Tradition » dont le sous-titre est « l’accord mets et vins ». Des industriels, des avocats, des amateurs de bonne chère, des fidèles et des personnages du monde du vin ont répondu à cette aimable invitation.
L’apéritif debout se prend avec les légendaires et gourmandes gougères du restaurant Taillevent. Il s’agit du Champagne Comtes de Champagne Taittinger 2004 qui dégage déjà, alors qu’il sort à peine des caves, une belle personnalité. Il est promis à une bel avenir. Il se boit avec un grand plaisir et la gougère gomme le dosage que je trouve un peu fort à mon goût.
J’ai la chance d’être assis à côté de Véronique Dausse, directeur général de Phélan Ségur et presque en face de Florence, la femme de Laurent Gardinier, lequel prend la parole pour expliquer comment sa famille entend perpétuer les valeurs qui ont fait la renommée de Taillevent. Il cite Jean-Marie Ancher, qui doit faire face à une salve d’applaudissements, comme Alain Solivérès venu peu après nous saluer.
Le menu conçu par Alain Solivérès est : épeautre du pays de Sault en risotto, râpée de truffe noire / homard bleu rôti, truffe noire et céleri / fraîcheur d’agrumes, parfait d’agrumes au citron vert.
Nous commençons par un Sancerre « les Romains » domaine Vacheron magnum 2008. Le nez virevolte dans des arômes complexes et changeants. Le vin est d’une pureté extrême. C’est la précision de son expression qui est remarquable. Mon Dieu qu’il est jeune ! Car on aimerait qu’il ait quinze ans de plus et gomme les aspérités de sa folle jeunesse. On l’aime malgré cela pour sa grande pureté et l’évidente adéquation à la truffe et à la sauce réduite du risotto.
Le Château Phélan-Ségur double magnum 2003 a un nez assez discret. C’est en bouche que tout se passe. Ses tannins sont généreux, le vin est direct, au message très clair et ce qui me plait, c’est l’ampleur de sa mâche. Il est très truffe. C’est un vin droit, profond, qui laisse une trace en longueur mais pas en largeur. Il est extrêmement plaisant à boire et solide. Véronique Dausse nous explique qu’elle a choisi ce millésime plutôt difficile à faire, parce qu’il est épanoui aujourd’hui, ce qui est manifeste. L’accord avec le homard merveilleusement cuit est très naturel. Le céleri apporte de la fraîcheur et la truffe la fusion avec le vin. Le format en double magnum donne un belle souplesse au vin.
Le Gewurztraminer Altenbourg Vendanges Tardives domaine Mann 2009 est techniquement parfait. C’est un bon élève, qui ne dévie pas de la définition de l’appellation. Aussi, s’il se boit bien, on l’aimerait un peu plus canaille. Cela viendra sans doute avec le temps. L’accord avec le dessert est difficile, même si sur le papier il est judicieux, car le sorbet refroidit les papilles, le dessert devenant trop dominant. Le cognac que Jean-Marie Ancher sort de sa cachette est d’une qualité telle qu’on succombe à son impérieuse tentation.
C’est un grand bonheur que les Gardinier aient choisi la « Tradition », dans les pas tracés par Jean-Claude Vrinat. La truffe a râpé et même dérapé tant elle fut copieuse. L’ambiance amicale a fait nouer des liens avec des fidèles du restaurant comme si nous nous connaissions de longue date. Je retiens deux choses, parmi tous ces plaisirs : la chair du homard d’une qualité de cuisson exemplaire, et le grain charnu d’un Phélan Ségur de belle maturité. Et bien sûr, le service exemplaire du restaurant Taillevent.
Thierry et Laurent Gardinier et près d’eux, lechef Alain Solivérès