En dehors des dîners de wine-dinners, je bois quelques vins au hasard de suggestions ou d’envies. Un fournisseur de mon « métier de base » a ouvert un Meursault 1994 de Olivier Leflaive, fort agréable et un Gloria 1983 vraiment aimable, car à parfaite maturité, sans trop en faire. Le sommelier de chez Laurent m’a fait découvrir un Coteaux du Languedoc Prieuré de Saint-Jean de Bébian 1991 qui est absolument remarquable : de l’encre, du tannin, de la force. Belle preuve que beaucoup de travail se fait là.
J’ai ouvert deux vins qui peuvent expliquer l’hésitation que certains amateurs ont pour les Bourgognes entre deux ages : un Nuits-Saint-Georges 1er Cru La Richemone de A. Pernin-Rossin 1982 était franchement désagréable. Et un Griotte Chambertin 1976 de chez Joseph Drouhin avait de belles qualités, mais n’exprimait pas vraiment grand chose. Toute cette période, disons de 1968 à 1982 est en pleine mutation (non pas chimique mais historique) : le vin vit la fin de sa période de maturité, sans avoir vraiment développé ses qualités de vieillesse. Alors, selon les bouteilles, on aura des chances de trouver un vin encore bon, ou pas encore « séniorisé ». Un tel risque existe beaucoup moins avec les vins des années 30 à 50, qui ont déjà reçu la grâce du temps, sans parler des Bourgognes des années 10 et 20 qui sont de pures merveilles, quand ils ont eu la chance ou la qualité de savoir traverser le temps. Et il y en a plus que ce que l’on croit. Ce qui justifie wine-dinners.
Un Chablis 1er cru les Vaucopins du domaine Long-Dépaquit 1988 est toujours un vrai plaisir gustatif, et un Noble One d’Australie, vin botrytisé de 1996 m’a nettement moins emballé que lors de précédentes occasions : trop de sucre et pas assez de subtilité. L’atmosphère ? La présentation ? Tant de choses influent sur le jugement que l’on porte sur un vin : une grande dose d’humilité s’impose.
Pour finir, deux moments d’association mets et vins qui m’ont enchanté : au Cinq, sur les conseils d’Eric Beaumard, sur une grouse, un Hermitage de chez Chave 1998 : l’association est évidente, mais c’est parfois agréable de le vérifier. Et le plus magnifique fut sur un pied de porc chez Laurent, un Château Chalon de chez Jean Macle 1981. Ce Château Chalon est plus doucereux et moins marqué par l’astringence de noix habituelle. L’association fut grandiose. Si ce vin n’avait été le dernier de leur carte dans cette année, je vous aurais recommandé d’y courir. A propos du Cinq, le fruit du hasard : à la table voisine, on « testait » des Dom Ruinart en magnums. Par la magie des proximités, j’ai pu goûter Dom Ruinart 1990 et 1995. De petites merveilles en bulles. Mon Dieu que c’est bon.
Il y a eu en cette fin d’année une recrudescence de ventes de vins aux enchères. Cela frise l’excitation. Cela montre aussi que des vins vieux existent en quantité importante. Ce serait bien que wine-dinners, même s’il n’est pas le seul, fasse des émules, pour que ces trésors soient bus quand ils sont bons, plutôt que de passer de cave en cave, prenant seulement de l’âge, quelques secousses, et un peu de valeur. Ce n’est évidemment pas par wine-dinners seulement que ces vins trouveront l’avenir qu’ils doivent avoir : être bus avec la meilleure cuisine. Au moins, nous y participons.