Je vais déjeuner chez mon fils. Il y a dans ma cave une zone de bouteilles à boire, dont le niveau a dangereusement baissé. Je prends un Richebourg Domaines G. Renaudot(j’imagine, car il y a un gros trou dans l’étiquette), d’une année inconnue mais que je situe autour de 1959 ou avant. Je prends dans d’autres secteurs de la cave un Chambertin Clos de Bèze Grand Cru Forgeot Père & Fils 1984 et un Ruster Trockenbeerenauslese 1994 autrichien.
Mon fils ouvre un champagne Henriot 1998. C’est un vin de soif qui coule en bouche avec un goût de revenez-y presque aussi pressant que les chocolats Lindor, drogue addictive.
Nous passons à table et le Richebourg Domaines G. Renaudot vers 1959 a une sale couleur. Son odeur est de viande en état d’évolution avancé. En bouche, on ne peut pas dire que c’est totalement mauvais, mais c’est quand même mort. Je m’amuse à faire comme le météorologue de village qui prédit que si demain il ne pleut pas, il pourrait faire beau et je dis que s’il ne s’effondre pas dans les heures à venir, il pourrait devenir buvable. Mais la chance est faible.
En revanche, sur un bar en papillotte, le Chambertin Clos de Bèze Grand Cru Forgeot Père & Fils 1984 nous surprend par sa qualité. Je ne connais pas Forgeot, et je sais que 1984 n’est pas une année à miracles. Or ce vin plait à nos papilles par la précision de sa définition, jointe à une joie de vivre évidente. Nous en profitons largement. Le Ruster Trockenbeerenauslese 1994 autrichien Prädikatswein est d’une couleur ambrée comme du thé fort. C’est étonnant pour un vin jeune qui titre 12° et annonce 162 g de sucre résiduel. Il est de Hügelland ce qui pourrait en faire un lointain cousin des Hugel, n’était le tréma. Il est extrêmement goûteux et expressif, sans aucun excès que l’on trouve dans des vins trop sucré. Il ne se marie pas à la tarte Tatin. Il faut le boire seul, avec bonheur. La belle surprise est celle d’un Clos de Bèze inconnu d’une petite année qui arrive à briller autant.