Nous retournons avec les enfants à la maison d’hôtes d’Yvan Roux et sur le délicieux Pata Negra gras à souhait, le champagne Laurent Perrier Grand Siècle s’ébroue, comme à son habitude. C’est un bon champagne, mais qui risque de ne plus correspondre à sa situation tarifaire.
Un tempura de fleurs de courgettes glisse ses douceurs sur ce bon champagne très jeune. Des seiches dans leur encre appellent le Château Lynch Bages 1978 que j’ai apporté. Son velouté, sa fraîcheur signent un vin délicat et charmeur. Je me mets à penser qu’ayant commencé ma cave en 1970, l’année 1978 est une année jeune pour moi. Or ce vin a aujourd’hui trente ans. Un vin de trente ans appartient, dans le monde du vin, au domaine des vins anciens. Or le goût de ce vin n’a pas l’ombre d’une des caractéristiques des vins anciens. Il est encore d’une belle jeunesse, ce qui oblige à reconsidérer les concepts de jeunesse ou vieillesse.
La chair d’un chapon s’accorde merveilleusement au vin rouge. Yvan me gâte avec une glace vanille à fondre de plaisir.
(version 1 : le chien d’Yvan veille à la sécurité du sac des dames – version 2 : le sac des dames, c’est un coussin idéal pour s’offrir un petit roupillon)
Il est intéressant de constater que le lendemain, sur un barbecue, nous faisons cuire deux épaules d’agneau de Sisteron, désossées, lardées d’ail et enrobant des branches de thym. Et nous ouvrons un Château Lafite-Rothschild 1981. Immédiatement, le nez et la bouche confirment le statut exceptionnel de Lafite. Le nez est racé et le goût est d’une plénitude immense, long, profond, ciselé avec précision. Et l’on mesure le chemin qui sépare Lynch Bages de Lafite. L’année 1981 n’est pourtant pas un phare dans l’histoire de ce premier grand cru classé, mais le vin, ce soir, s’est paré de ses plus belles qualités. Lynch Bages ne doit pas être rabaissé par cette comparaison, car nous l’avons aimé. C’est plutôt Lafite qui nous a offert une prestation que nous n’attendions pas à ce niveau.