Le soir, veille du réveillon, des envies culinaires se débrident. Un foie gras cru sur du simple pain se grignote sur les premières gouttes d’un champagne Salon 1995 en magnum. Le champagne, juste ouvert, est un jeune homme bien poli. Très BCBG, le foie gras le rassure, sans le faire sortir de son conformisme ouaté.
Nous passons à table et des huîtres n°2 de Quiberon de pleine mer font éclater le Salon. Je deviens fou, tant l’iode et le sel propulsent le Salon dans des séductions de première grandeur. Que cette association est grande ! Le Salon 1995 est évidemment un gamin, mais la taille magnum le rend accessible. Et cette huître ! Quel accord incomparable. Les mêmes huîtres, mariées à un sabayon de camembert à la cardamome ont fait surgir de nouvelles saveurs d’un champagne prêt aux accords les plus compliqués. La cardamome donne au Salon une longueur rare. Le dos de chevreuil de Sologne, sauce aux olives noires et groseille, purée de céleri rave, d’une incomparable dextérité, va côtoyer deux vins. Le Rimauresq, Côtes de Provence 1993 est un vin au fruité expressif. C’est la chair d’une perfection rare qu’il adore. Et le Bandol, Moulin des Costes 1983, d’une animalité affolante, et d’une justesse rare, a épousé la groseille. L’olive noire est évidemment son compagnon naturel. On le sent vibrer sur la viande délicieuse. Et la folie vient de la groseille. Quelle jouvence culinaire ! Et ces deux vins du Sud, si complémentaires, ont chacun capté une composante du plat. La chair pour l’un, la groseille pour l’autre. Et le céleri adoucit tout cela. Des fromages font appel à d’autres caractéristiques de ces grands vins du Sud, et le dessert arrive. Poêlée de coings, caramel d’absinthe, tuiles au miel d’acacia. Le champagne Salon 1995 va s’imposer lentement, car il faut que nos palais s’adaptent. Et quand on a compris que c’est l’absinthe qui sublime le Salon, alors on nage en pleine perfection. Ce soir ce n’était pas les vins qui avaient la vedette, mais les vins par les accords. L’huître sur le Salon est un choc total, un coup de poing dans le cœur. La groseille sur le Bandol 1983, c’est un instant de bonheur pur. Et l’absinthe qui révèle le Salon, c’est l’atteinte d’un nirvana culinaire. Ce soir, les vins avaient besoin d’un partenaire. Mon ami était là.