Le lendemain avec mon fils nous allons à nouveau boire de grands vins. Vers 17 heures je commence à ouvrir les vins. J’avais choisi en cave un Richebourg Domaine de la Romanée Conti dont l’étiquette très abîmée ne donne aucune indication permettant de trouver l’année. Le nombre de bouteilles produites, toujours inscrit sur les bouteilles permettrait de connaître le millésime mais il est effacé. L’état de l’étiquette me fait penser aux années quarante mais le marchand qui m’a vendu la bouteille avait découpé le bas de la capsule, ce qui me permet de lire 1978. Le haut du bouchon est dur comme du bois. Je découpe donc au couteau le haut du bouchon pour mieux lever le bas avec l’espoir de lire le millésime sur le bouchon. Lorsqu’il est sorti, je peux lire 1976 ou 1978, mais le chiffre 1978 s’impose. Le nez du vin est très prometteur, si typique de la Romanée Conti.
J’ouvre ensuite un Vougeot Abel Porte 1929 dont le bouchon vient sans difficulté. Le nez est sans défaut et le vin profitera bien de quelques heures d’aération.
Pour l’apéritif, j’ouvre au dernier moment un Champagne Philipponnat Clos des Goisses 1991. Je n’ai bu que trois fois un champagne de 1991, millésime que beaucoup de maisons n’ont pas vinifié. La couleur est belle d’un or de blé d’été, le pschitt est actif et le vin ne fait pas du tout ses trente ans. C’est un champagne très expressif et vif. Il est tonique. Nous grignotons quelques biscuits mais très rapidement nous passons à table pour profiter du beau champagne sur un caviar osciètre prestige de Kaviari. Le caviar est exceptionnel et son côté salin colle parfaitement au champagne sérieux et noble. C’est un grand moment.
Nous passons ensuite à la viande Wagyu si tendre et suave qui est associée aux deux bourgognes que je vais faire goûter par mon fils à l’aveugle. Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1978 a un nez de rose et de sel qui ne peut pas tromper mon fils qui dit Romanée-Conti. Ma femme n’avait pas entendu mon fils et quand je lui fais sentir, elle dit Romanée Conti tant ce parfum est une signature. En bouche le vin est sublime et la douceur de la viande bien grasse le met en valeur. C’est un des plus grands Richebourg de la Romanée Conti que nous buvons, si subtil, à la couleur claire, et à la longueur quasi infinie. Quel charme !
Je vais chercher ensuite le Vougeot Abel Porte 1929. Mon fils sent et goûte et exclut la Bourgogne. Il évoque du café et du chocolat, pensant à un vin étranger. L’évocation de café allume une lumière dans ma mémoire. Le café est un marqueur des vins d’Algérie. Nous sommes donc en présence d’un vin hermitagé, c’est-à-dire qui a été fortifié par un apport externe qui peut être du Rhône ou d’Afrique du Nord. Le vin est beaucoup plus sombre que le Richebourg. Il est puissant et fort agréable à boire sur le Wagyu, même s’il n’est pas authentique. Mais 92 ans plus tard, il y a prescription.
Ces deux dîners nous ont ravis. Indépendamment des deux liquoreux exceptionnels du 19ème siècle, deux vins émergent au-dessus du lot, le Richebourg 1978 et le Pétrus 1969. Les deux champagnes ont brillé et le Wagyu est un plaisir divin.