Gerhard, l’ami autrichien fou de vin, rendu célèbre dans mon modeste microcosme par son plongeon accidentel en plein repas dans la piscine intérieure d’Yvan Roux, parce qu’il était excité d’aller chercher une de ses bouteilles prête à être servie, organise à Graz une dégustation verticale de 41 millésimes de La Romanée Liger-Belair, la plus petite appellation française, mais une des toutes grandes en qualité.
Je prends l’avion à Roissy pour rejoindre Louis-Michel Liger-Belair qui m’attendra à Vienne, pour que nous nous rendions ensemble à Graz en voiture. Prendre l’avion avec 45 minutes de retard parce que le personnel de nettoyage des avions est en sous-effectif est une spécificité particulièrement intéressante d’une France « normale ». Louis Michel Liger-Belair, venu de Lyon, m’accueille à Vienne et nous arrivons sans encombre à notre hôtel à Graz. Il a retenu une table au restaurant Eckstein où nous dînons à l’extérieur, sur la place Mehlplaz, dans une ambiance de plein été. Le tout Graz est de sortie, les terrasses des restaurants et bistrots regorgent de monde, les femmes sont jolies, ça sent l’été.
C’est un ami autrichien de Louis-Michel qui a organisé les vins pour nous. Le premier est un Pichler FX, Grünerveltliner Smaragd Dürnsteiner Kellerberg 2001 qui titre 13,5%. Le nez est très expressif, la robe est d’un jaune à peine doré. En bouche, il y a une impression combinée de sec et de doucereux, une fraîcheur remarquable et un confort certain. Le vin iodle ses complexités. C’est charmant, plaisant et agréable à boire.
Le serveur ajoute un vin au programme conçu par l’ami de Louis-Michel. C’est un Pichler FX Riesling Smaragd Loibner Steinertal 2004. Le vin est intéressant, plus sec, mais contrairement à Louis-Michel, je suis gêné par le côté perlant très prononcé. Le vin s’anime sur les plats, notamment un délicieux jambon fumé sec accompagné d’une soupe au concombre et de beignets de champignons. Le 2004 est très pertinent sur un steak tartare peu épicé, ce qui est important pour l’accord.
La vedette du repas, c’est un Château Lafleur 1999. Respect, comme on dit en banlieue. Ce qui frappe immédiatement, c’est un velours impressionnant. Le vin a une longueur extrême et le velours s’étale pendant tout le parcours en bouche. Les tannins sont forts mais bien contenus. Ce vin a un charme fou et nous avons ri car nous avons eu la même idée au même moment : ce vin a un charme inouï qui ne peut pas être bordelais. Traduisez, sans qu’on le dise, que ce charme est forcément bourguignon. J’exagère, bien sûr.
Le vin est profond, musclé mais galant, et c’est son énorme velours qui séduit nos palais conquis. L’agneau à basse température lui convient parfaitement.
Le service a été épatant Par une belle température estivale nous sommes revenus à l’hôtel à pied, croisant une foule hétéroclite et bigarrée. Graz est une ville qui vit !