Ma femme et moi, nous aimons les dîners à quatre mains, car mettre en commun les talents de deux grands chefs, cela peut créer des étincelles de génie. Par Instagram, j’apprends qu’Arnaud Lallement, le chef trois étoiles de Reims vient faire la cuisine à l’hôtel Ritz, à la Table de l’Espadon, aux côtés de Nicolas Sale. Je réagis au plus vite pour obtenir une table et j’ai bien fait car lorsque nous arrivons à l’hôtel, nous apprenons que le restaurant a fait le plein de réservations.
Le Ritz a pris de longues années pour faire sa rénovation et ça ne se voit pas dans ce que nous visitons. La salle à manger aux décors de stucs très chargés fait très Sissi Impératrice. Il ne manque que les crinolines. Au centre de la grande pièce le grand lustre surplombe un énorme bouquet aux couleurs d’automne qui ne va pas du tout avec le lustre. Les tables sont bien espacées ce qui est un luxe appréciable. Le personnel qui nous reçoit est souriant et tout au long du repas nous constaterons qu’ils sont décontractés et ouverts ce qui est agréable. Je revois avec plaisir Estelle Touzet chef de la sommellerie, qui a confié à Victor le service des vins de notre table, qui se révèle d’une très grande compétence.
Lorsque l’on se met à table, on a devant soi une assiette marron sur laquelle sont imprimés des motifs en or assez chargés. Tout-à-coup, deux serveuses arrivent, prennent les deux assiettes devant nous, et par une pirouette les retournent. Nous avons alors une assiette toute blanche joliment dessinée qui sera prête à recevoir les amuse-bouches. C’est amusant.
Pour le menu à quatre mains on peut choisir de suivre les accords mets-vins proposés par Estelle Touzet, mais je préfère choisir sur la carte des vins. Nous sommes au Ritz donc les prix se situent au deuxième ou troisième étage d’une fusée Ariane, c’est-à-dire très haut. Mon choix est un champagne.
Le menu conçu pour les deux chefs plus le pâtissier du lieu est : la potée champenoise, selon la grande tradition de Champagne (Arnaud Lallement) / la langoustine en trois services. L’appât : eau de langoustine, pamplemousse, caramel d’ail – à cru, caviar impérial, citron frais et crème poivrée évolutive – rôties aux agrumes, énoki à la pistache, nage de coco-citron vert (Nicolas Sale) / le turbot breton, oignon Benoit Deloffre confit à la feuille de poivrier, sauce au vin jaune (Arnaud Lallement) / le chevreuil, le dos rôti aux dragées, le fil : le coing confit, croquant et purée acidulée, jus au poivre noir de Kâmpôt (Nicolas Sale) / le chocolat Jamaya, la touche : meringue fondante au cacao, granité au vinaigre de framboise. Le dessert : de Jamaïque en ganache intense, parfait, dentelle croustillante, poivre et sel. La sucrerie : en éclat et légèreté (François Perret).
Le Champagne Laurent Perrier Cuvée Grand Siècle est d’une grande délicatesse, mise en valeur par un verre Riedel quasi idéal. Le champagne est raffiné et va accompagner quasiment tous les plats avec brio. J’ai toutefois commandé un demi-verre de Château Ducru-Beaucaillou 2000 servi à l’aide d’un Coravin, outil qui soutire du vin par une longue seringue, sans que l’on soit obligé d’extraire le bouchon. Ce Saint-Julien très lourd et très riche, extrêmement truffé est de grand plaisir et accompagne le chevreuil de façon parfaite.
Les deux chefs et le pâtissier sont de grand talent. Nos émotions sont passées par des hauts et des bas, car certaines saveurs sont enthousiasmantes, comme l’eau de langoustine, la langoustine quasi crue et la chair du chevreuil, mais d’autres sont moins précises comme les morceaux de coing trop vinaigrés ou la mâche du plat est difficile comme la dentelle croustillante de chocolat qui ne serait pas recommandée pour un premier dîner de speed dating. Globalement, le souvenir est très positif car Arnaud et Nicolas sont des chefs de talent et souriants qui sont venus bavarder aimablement à chaque table.
Le service a été de grande qualité. Le lieu est d’un luxe assumé. Le menu a été bien conçu. Vive les quatre mains.
l’assiette qui se retourne et devient blanche – motif