Le soleil est revenu. Qu’il est doux de ne rien faire quand le soleil nous le pardonne. Aucun de nos amis ne nous ayant rejoints, pour mille et une raisons aussi peu agréables l’une que l’autre, il n’y aura pas le menu léché, travaillé, distillé, auquel Davide Bisetto et nous sommes préparés. Comme il n’est pas question de se lamenter, voici le menu : centrifuge de tomate verte, burrata, sorbet poivron / Settembre : pâté de pigeon fermier, concentré de raisin, gambas de San Remo, noisettes de Cervione/ Pasticchio de canard, velouté concentré de poularde de Bresse / fromages de Corse et d’Italie, brebis et chèvre.
L’hôtel nous ayant offert le premier jour une bouteille de Champagne Thiénot, nous y trempons nos lèvres. Le dosage est élevé, le discours est limité. Ce n’est pas désagréable, mais nous n’insistons pas. Le vin commandé est un Hermitage Jean-Louis Chave rouge 2007. Ce vin est d’un fruité joyeux. Tout ici est généreux, souriant, respirant la joie de vivre. Voilà un vin gouleyant, spontané, un régal. D’emblée, je le préfère au Gaja Spress 2001 de la veille, dont il reste une quantité significative. Car le Gaja, c’est la puissance, la recherche des honneurs. Alors que le Chave est plus modeste, plus ancré dans le terroir et l’humilité, et on l’aime forcément.
Mais à ma grande surprise, sur le canard et sur les fromages, c’est le Gaja qui colle le mieux. Il est plus pénétrant, plus rassembleur des composantes des plats, ce qui fait contraste avec ce que j’avais perçu la veille. Lorsque les plats sont partis, mon cœur retourne vers l’Hermitage. Le Chave m’émeut par sa sincérité.
Davide est docteur Jekyll et mister Hyde. Sur le pigeon, la juxtaposition de saveurs contraires comme le raisin et les gambas bat la chamade du vin qui recherchait la terrine. Alors que le canard, plat inventé pour ce soir, est une merveille de justesse de ton, puisque le bouillon joue son rôle pour propulser la chair du canard. Ce plat est de première grandeur.
Nous en avons parlé en fin de repas avec Davide. Il entend tellement de commentaires qui vont dans toutes les directions qu’il doit suivre le chemin que lui impose son talent. De mon côté, c’est la cohérence des plats avec les vins qui m’anime. Il ne fait pas de doute que ce qui prime, c’est que le chef exprime ce qu’il ressent.
Davide partira en voyage dès lundi, aussi nous annonce-t-il que c’était ce soir son dernier service derrière les fourneaux après dix ans de bons et loyaux service au Casadelmar. C’est avec nous que se baisse le rideau d’une formidable aventure de ce grand chef. Longue vie à son talent. De nouvelles aventures et retrouvailles nous attendent.