Dîner au Château d’Yquem où le Comte Alexandre de Lur Saluces rassemble des amis amoureux d’Yquem. Japonais, Américains, Suédois, Belges Suisses et Français formaient un petit groupe cosmopolite de fanatiques.
Juste avant, chez Darroze à Langon, un ami m’offre à boire Clos Fourtet 1962 car il avait apprécié ma description du Clos Fourtet 1947. Confirmation sur cette si rare année 1962 que Clos Fourtet est un élégant et grand Saint-Emilion.
Au château où mon cœur palpite chaque fois, Yquem 1997, jeune enfant au nez déjà affirmé. Très fermé contrairement au 1995 au même âge, il a une belle composition qui va lui permettre de devenir, dans plus de dix ans un grand Yquem, dans la ligne des plus caramélisés et sucrés des Yquem. Magnum de Krug 1988. Difficile de le prendre en bouche après Yquem, mais assez rapidement, la noblesse de ce grand champagne qui commence à avoir le délicat fumé des champagnes adultes a montré combien Krug est grand. Krug et Salon sont de grands et nobles champagnes.
J’ai eu un peu plus de mal à goûter le « Y » d’Yquem 2000 qui m’est pourtant cher, car j’avais croqué les premiers grains du raisin d’Y 2000 le premier jour de la récolte. Grand vin blanc sec prometteur, mais le plat excellent en sauce était trop marqué pour le mettre en valeur : Saint-Jacques et grosses langoustines au parfum de romarin. Il y aura d’autres occasions pour le boire dans sa splendeur. Mes yeux étaient en fait rivés sur le vin suivant. J’étais fasciné comme l’insecte pris dans le faisceau d’une lampe : double magnum de Pétrus 1975. Avec l’accord du Comte j’ai rapporté cette bouteille vide qui rejoindra mon musée, et sera reproduite en photo sur le site. J’avais gardé quelques gouttes de sauce du premier plat pour le Pétrus, et l’association était parfaite. Elle allait se continuer sur l’agneau de sept heures si délicieux. Pétrus 1975 est un grand souvenir car j’avais débouché une bouteille avec mon fils, assis face à la mer, pour célébrer des retrouvailles après son absence de plusieurs mois au Brésil. Un Pétrus 1975 au soleil couchant sur la Méditerranée, c’est grand. Mais en double magnum à Yquem, c’est particulièrement merveilleux. Un nez très accompli, serein, velouté, puissant, généreux. Puis en bouche, ce qui frappe, c’est cette puissance tranquille. Les plus grands tableaux de Picasso ont l’habileté d’être simples. Ce Pétrus a l’élégance d’être simple, monolithique, donnant une preuve de bienveillance dans sa merveilleuse sérénité. Je redoutais que l’oxygénation, comme pour le Lafite n’eût été trop forte, mais ce ne fut pas le cas. Cette puissance tranquille a comblé nos palais tout au long de sa dégustation. Puissance, simplicité, monolithisme furent les mots qui me revenaient en permanence à l’esprit. Un vin extraordinaire ouvert grâce à la générosité du Comte Alexandre de Lur saluces.
Le Yquem 1948 fut une première pour moi (pas pour certains convives qui ont une culture invraisemblable d’Yquem, citant les 1811, 1847 et 1861 comme s’il s’agissait de breuvages fréquents) et une belle surprise. Placé historiquement entre 1947 et 1949 qui sont d’immenses Sauternes, ce 1948 révèle de vraiment belles qualités. Pas d’excentricité ni de typicité excessive, mais un Yquem de compromis, généreux et finalement extrêmement complet. Plaisir fort.
Un magnum de cognac 1906 venait conclure un moment de rêve dans un château que je vénère comme une Mecque de la perfection. Le film sur les Quatre Saisons d’Yquem met en valeur ce temple où l’on vient adorer l’éternel Yquem. Alexandre de Lur Saluces y ajoute la perfection de l’hospitalité. Les repas comme ces deux repas avec des grands vins sont des souvenirs pour toute une vie. Je me plais à le répéter. Et à vouloir vous convaincre d’y succomber.