Nous sommes trois à dîner au Cheval Blanc Saint-Tropez, nouvelle dénomination de La Vague d’Or. Nous nous orientons vers le menu dégustation à sept plats baptisé « balade épicurienne ». Thierry di Tullio, l’inénarrable directeur de salle nous dit qu’il a envie de changer un ou deux plats et nous parle de lisette à la place de saint-pierre, alors que nous n’avons demandé aucun changement. De son initiative, semble-t-il, il annonce des changements que nous écoutons avec intérêt. Le chef Arnaud Donckele que nous verrons en fin de soirée nous dira que c’est lui-même qui a voulu sortir du cadre du menu car ce fut son intuition vers 18 heures. De fait, nous allons dîner sans qu’aucun plat ne soit celui du menu imprimé. Vogue la galère ! Les charmantes serveuses vont présenter chacun des plats avec une pertinence à signaler. Heureusement un ami a pris des notes pour que je situe les plats. En voici la retranscription : coussin croustillant de bagna cauda, huile tamaris, céleri, coriandre, parmesan, fleur de courgette en tuile de parmesan / Tartelette croustillante haricot Saint-Paul, sabayon, cheveux d’ange / courgette et jus de palourdes. Pain de partage marjolaine, pétale de tomates, cœur de mozzarella. Alliance Provence Méditerranée : beurre bourrache et thym, huile d’olive de Gassin (Eric Barnéoud). Les pains sont de campagne ou brioche, pain vapeur olive noire.
Le dîner commence : Sériole crue marinée au cédrat, chair esquinado (araignée de mer), vinaigrette corail-thym-bergamote / Lisette ferrée à la flamme, gelée sardine, concentré de tomate, tomate ananas, pomme de terre, anchois fumés et grillés, velours de lisette-vinaigre confidentiel et parfumé, feuille de capucine / Langoustines rôties, miel de châtaigner, amandes, giroles, courgette boule farcie, bouillon de crustacé / Joues d’un turbot cuit en croute de sel et pin, fumage / Turbot cuit en croûte de sel aux épines de pin, cèpes juste saisis, pommes de terre délicatesse caramélisés, anguille fumée, coques pochées. Bouillon iodé aux saveurs boisées (et citronnées) / Granité au thym, sorbet fenouil et absinthe / joue de veau braisée, ris de veau, fenouil braisé, pétale de tomate confite, jus de veau, échalote ciselée, thym et olives noires / Jus de prédessert : abricot thym et cerise sureau / Tagette (entre anis et menthe), cerise amande fraîche, tagette givrée / Citron cédrat glace citron / Tartelette caramel fruit passion, chocolat praline noisette. Comment mon ami a-t-il pu noter tout cela à la volée, j’en suis émerveillé.
Par comparaison, voici la rédaction du menu par Thierry di Tullio : « Fil du Temps »… « Ce menu est composé de plats affectifs qui se sont construits lentement, d’autres plus jeunes, dans l’esprit d’une naissance gourmande. Avec l’idée de les faire vivre en harmonie pour vous faire plaisir. »
La Sériole de Méditerranée et chair d’esquinado, sauce au corail des têtes / La lisette à la flamme, gelée de sardines et anchois fumés, un velours satiné d’escabèche et moutarde de Provence / La langoustine au miel de châtaigner, ravioles et courgettes farcies des pinces et des coudes, un consommé au romarin monté à l’huile d’olive / Le Turbot cuit en pâte d’épines de pins, cèpes d’été, pommes délicatesse à l’anguille fumée, un bouillon d’iode boisée / Granité à la fleur de thym, sorbet au fenouil de Florence, une flanquée d’absinthe à votre table / La joue de veau braisée et son ris juste rôti, déclinaison de différentes textures et températures de fenouil / Accord, cerise pourpre et amande fraîche, l’ensemble enrobé d’un soupçon de jus de sureau et tagettes cueillies du matin / Un jus centrifugé au moment / (ou bien) accord autour de de l’abricot, de l’amande et du thym serpolet, l’éphémère d’un soufflé chaud, glace minute au lait d’amande bio.
Je ne pouvais pas effacer le programme transcrit par mon ami, tant il a cherché à saisir tout ce que nous avons vécu.
Le Blanc fumé de Pouilly Silex Domaine Didier Dagueneau 2014 est par nature d’une grande minéralité mais il est aussi civilisé et gastronomique. Il est vif, tranchant, et accompagne bien les plats. Je l’ai trouvé brillant mais manquant un peu de l’émotion qu’offraient des versions antérieures de ce vin. Cette remarque est à la marge.
Au moment où nous sommes servis des langoustines, je demande que Maxime Valery, l’excellent sommelier nous serve au plus vite le Châteauneuf-du-Pape Domaine du Pégau Cuvée Laurence 2011 car l’accord me semble devoir se faire avec le vin rouge. J’adore ce vin fait par Laurence Féraud car il est d’une authenticité que j’apprécie, naturel, franc, terrien avec une belle râpe qui sent la garrigue. Ce vin trouvera un épanouissement exceptionnel sur la joue de veau d’une tendreté extrême.
Dès les amuse-bouches, le talent du chef Arnaud Donckele s’impose par la précision chirurgicale de chaque saveur. C’est impressionnant. Arnaud est aussi le prince des sauces et nous en avons absorbé des litres et des litres tant il est impossible d’en laisser. Les plats qui m’ont émerveillé sont, dans mon classement personnel : 1 – le turbot, 2 – la joue de veau avec le ris de veau, 3 – les langoustines. Cette cuisine généreuse est un régal.
Je donnerais une mention spéciale à l’infusion que j’ai choisie, à base de mélisse, menthe et camomille. Je crois n’avoir jamais goûté une aussi bonne infusion.
Le service est sans le moindre reproche et le service des vins est unique car jamais on n’est obligé de se manifester pour remplir les verres qui ne sont jamais vides. Bravo à ce service. Thierry di Tullio est inimitable et le chef est d’un talent du plus haut niveau. Dans le cadre unique de la baie de Saint-Tropez nous avons passé un dîner mémorable.
Avec le sommelier dans sa nouvelle livrée
par comparaison la livrée de l’an dernier