Après le pantagruélique déjeuner au restaurant Alain Ducasse au Dorchester, une pause était nécessaire. L’avantage d’un hôtel au centre de Mayfair, c’est qu’on se rend à pied dans tous les lieux de vie les plus chics même si les taxis abondent, et feraient pâlir d’envie les touristes parisiens. Se promener dans Mayfair permet de constater à quel point le luxe se trouve à Londres plus qu’à Paris où il se cache.
Nous pénétrons à l’hôtel Connaught où Ferraris, Rolls Royce et autres occupent les abords. Le restaurant Hélène Darroze at the Connaught bénéficie de la même décoration raffinée que l’hôtel, avec des bois lourds et très foncés. La souriante directrice Sandrine est la femme du directeur du Ducasse Dorchester, ce qui permet de supposer que le tamtam a fonctionné depuis les discussions intéressantes que nous avons avec Damien et Vincent.
Le choix du menu est très original. On nous donne un boulier, avec de belles billes blanches sur lesquelles est inscrit un mot clef. On peut choisir 5, 7 ou 9 billes qui vont composer le menu, chaque bille étant expliquée dans un court texte collé sur un support en bois.
Mon choix sera : Caviar / Hake / Cep / Lamb / Fig.
Détaillons : Oscietra Kaviari, cauliflower, cucumber, hazelnut / Hake : Nahikori de Saint-Jean de Luz, coco beans, clams, calamari, salsa verde / Cep de Clermont-Ferrand, walnut, lardo du Colonnatta, frog legs / lamb Axuria Basque country, carrot, tandoori, Greek yoghurt, mint / Violet Fig from Var, Greek yoghurt, Port, sesame.
La carte des vins est de loin la plus riche de ce que j’ai rencontré jusqu’ici à Londres. Pour beaucoup de maisons de champagne il y a cinq ou six millésimes, ce qui est remarquable. Les prix sont aussi londoniens que dans les autres restaurants ce qui fait que le vin rare est sur une autre échelle tarifaire à Londres par rapport à Paris.
J’ai choisi un Champagne Laurent Perrier Grand Siècle, dont Mirko, le sympathique sommelier d’origine italienne, me dit qu’il est d’arrivage récent. Le champagne est servi un peu chaud aussi faut-il le frapper pour qu’il soit agréable à boire. Encore tiède, il est pataud et manque d’expressivité. Frais, il redevient noble, équilibré et de belle complexité.
Le caviar n’est pas très mis en valeur par les saveurs qui l’accompagnent. Il eût probablement fallu ne garder que la délicieuse gelée de concombre. Le merlu est un beau poisson et le plat aux saveurs multiples est très bien intégré. Les raviolis de cèpes et cuisses de grenouilles avec un coulis d’ail forment un plat gourmand et généreux. C’est un plat de plaisir pur. La grouse qu’a prise mon amie est tellement tendre qu’on dirait un pigeon. L’agneau est superbe, goûteux, en deux préparations très tendres.
Mirko me fait goûter à l’aveugle un Mullineux Granite Syrah Swartland Afrique du Sud 2010 dont la syrah est reconnaissable à son évocation de poivron vert. Le final du vin est un peu abrupt.
Curieusement, le champagne même frais ne rafraîchit pas. Il est opulent, tapisse le palais, jouit d’une belle longueur mais ne rafraîchit pas. Le dessert à la figue est très agréable et léger.
Le repas dans ce restaurant d’Hélène Darroze est enthousiasmant.
Nous avons rencontré Mirko le lendemain matin pour parler de dîners de vins anciens. Mirko nous a montré sa belle cave dont il est fier.
En trois jours, grâce à mon amie française londonienne j’ai fait une visite de quatre restaurants de haut niveau et de deux cavistes impressionnants. Dans un monde qui bouge, on peut constater que Londres bouge, Londres vit, épouse son temps, beaucoup plus qu’un Paris frileux, anxieux même s’il a de beaux restes. C’est Londres qui a fait bouger le vin de Bordeaux par ses exigences de qualité il y a quelques siècles. Y faire quelques dîners de vins anciens, comme celui n° 28 que j’ai fait au Gavroche de la famille Roux pourrait être un joli challenge.
les billes pour composer son menu et mon choix de cinq billes
les explications sur un petit chevalet recto-verso