Dîner au restaurant la Pibale à Saint-Maurice, dans un environnement urbain moderne, propre, et qui donne envie de flâner, quand le soir est accueillant en ce printemps qui ressemble à l’été. La terrasse est sur le trottoir et comme il y a quarante ans peut-être, les voitures se montrent avant de se garer, extériorisation impossible aujourd’hui à Paris, alors que lorsque j’étais jeune, on aimait montrer son Austin Healey, sa MG ou sa Triumph au vroum vroum très « nouvelle vague ».
Le lieu est tenu par un homme enjoué, Jean-Charles Diehl qui traite les produits basques de bien élégante façon. C’est un restaurant modeste, sans le moindre chichi, qui ne manque pas d’intérêt. Son foie gras a une âme. Goûté avec un vin espagnol blanc Cuvée Esméralda de chez Torrès, on a les papilles qui s’amusent, car ce vin blanc ordinaire mais fruité et qui passe bien dans le gosier ondoie avec ce foie goûteux. Le canard qui suit mérite le respect, car l’ « hombre » qui torée avec les épices a su gérer les cuissons et l’apparition des épices en un feu d’artifice réglé comme du Ruggieri. C’est si élégant qu’un simple Gaillac Château Lastours 1999 se pousse du col pour paraître même élégant. Voilà un restaurant qui mérite d’être encouragé, tant on sent l’effort de bien utiliser le talent naturel d’un chef au savoir certain. Il lui faudrait peut-être une carte des vins pour exciter encore plus l’intérêt.
A l’occasion d’un dîner impromptu j’ouvre Mouton-Rothschild 1989. Un nez extrêmement intéressant dévoilant la riche structure de ce chef d’œuvre. En bouche une agréable incertitude : est-il jeune, est-il mûr ? Il a un peu des deux, et une longueur brillante. Moins émouvant que le 1990, mais un grand vin qui va s’enrichir avec le temps. On vérifie ensuite que le Tokaji Escenzia Aszu 1988 est délicieusement expressif de raisins secs caramélisés, brillant sur des mangues poêlées au poivre, et que Laberdolive 1946 est un Bas Armagnac de grande classe.
Paris est un petit village où il y a toujours quelqu’un pour vous proposer de partager un Branaire 1947.