Le soir même, Jérôme Legras retient à dîner plusieurs des participants de la dégustation de ce matin des champagnes Legras & Haas. Ce sera au restaurant Le Millénaire. Le menu qui nous est donné ne comporte pas de vins, nous en aurons donc la surprise : ballotine de foie gras de canard aux pommes et aux coings, bouquet de salade à l’huile de noix / riz Vénéré Nero comme un risotto lié au parmesans, croustillant de langoustines au basilic / poêlée de champignons des bois et coquilles Saint-Jacques rôties, crème de cèpes / granité / noisette de chevreuil sauce poivrade, mousseline de céleri aux pommes granny / sélection de fromages affinés / comme une crème brûlée Baileys, croustillant chocolat, glace aux noix de pécan.
Le Champagne Legras & Haas magnum 2008 proposé pour l’apéritif en attendant quelques convives est servi un peu chaud. Il a beaucoup moins d’énergie que celui servi ce matin à la température idéale. Les verres du restaurant sont de beaux verres Lehmann mais ne sont pas en cristal comme ceux de la maison Legras & Haas, et l’on sent la différence de finesse entre les deux sensations. Quand le 2008 est confronté aux tuiles au parmesan, il reprend de la force et montre que cette année est prometteuse et doit encore attendre quelque temps avant de livrer ses richesses.
Le Champagne Legras & Haas magnum 2002 au contraire est pleinement épanoui. Il est généreux et s’accommode bien aux amuse-bouches dont une bouchée au hareng qui l’excite aimablement. Il est vif et noble.
Le Morey Saint Denis Clos des Monts Luisants blanc Vieilles Vignes Domaine Ponsot magnum 2003 est servi sur le foie gras. Jérôme nous dit qu’il n’aime pas tellement mettre ensemble foie gras et champagne alors que j’en suis un chaud partisan. Et ce vin au nez éblouissant de largeur semble lui donner raison car il est riche, large et ensoleillé. Le sommelier hollandais présent à notre table précise que le cépage est l’aligoté. J’adore ce vin direct. Le foie bien gras et onctueux lui convient.
Le Condrieu La Petite Côte Yves Cuilleron magnum 2016 est associé au risotto. Est-ce du fait de sa jeunesse, je ne sais, mais le vin semble coincé, fermé, comme s’il avait mis un frein à l’expression de ses beaux arômes.
Le Champagne Legras & Haas magnum 1997 a conservé le charme qui nous avant tant plu à la dégustation de ce matin. C’est un champagne qui est dans un état de grâce et confirme son aptitude gastronomique. Il est vif et c’est la sauce de la poêlée de champignons qui crée l’accord et le lien entre terre et mer, cèpes et coquille. Voilà une année qui n’avait pas attiré l’attention sur elle à sa mise sur le marché et qui mérite le plus haut intérêt aujourd’hui.
Le granité est toujours une énigme pour moi. Faut-il en inclure ou non dans un repas ? Car c’est une rupture gustative forte même lorsqu’il est très bon comme celui-ci. Il faut ensuite recalibrer son palais. Je n’en prévois jamais dans mes dîners, préférant la continuité du voyage gustatif.
Jérôme est un grand fan du Château Calon-Ségur Saint-Estèphe 2002. Il a effectivement une bonne mâche épaisse et intense, mais je trouve que le vin ne va pas beaucoup plus loin et l’émotion n’est pas vraiment sensible malgré la belle excitation que lui donne la noisette de chevreuil.
Le Château Sigalas Rabaud sauternes 1995 apparaît sur un dessert au chocolat qui n’est pas l’ami naturel des sauternes. Mais ce vin a tellement d’énergie et de bonheur de vivre que l’on est conquis par son aptitude à séduire et par sa conviction. Pour un encore jeune sauternes il a tout d’un grand, ensoleillé et joyeux.
Le classement des vins de ce repas, pour mon goût, serait : 1 – Morey Saint-Denis, 2 – Sigalas Rabaud, 3 – Legras et Haas 1997, 4 – Legras et Haas 2002. Dans ce classement, les deux premiers pourraient être ex-aequo et les troisièmes et quatrièmes pourraient l’être aussi.
Le cadre du restaurant Le Millénaire est original et plaisant, le service est attentif. La cuisine est solide et de bonne qualité. Le sommelier est compétent et sympathique.
J’apprécie énormément que Jérôme ait composé un repas où son champagne n’est pas dominant, ce qui rend sa présence encore plus agréable dans un repas gastronomique. Il y avait autour de la table deux hollandais, un italien, deux russes, une lituanienne vivant en Californie, le maître de chais, Jérôme et moi. Cette atmosphère cosmopolite a donné lieu à des échanges particulièrement intéressants. Le champagne Legras & Haas est digne du plus grand intérêt. Et vive la Champagne !
couleur du Morey Saint Denis