Un ami a découvert un nouveau restaurant qu’il tient absolument à nous faire essayer. Il s’agit du restaurant Ôrtensia qui a pris la succession de l’Astrance où avait officié Pascal Barbot avec qui j’avais organisé des dîners mémorables. Le chef Terumitsu Saito et son associé ont réussi une décoration de grand talent. Le sommelier Romain me reconnait et bien sûr nous bavardons.
Etant avec ma femme en avance j’ai le temps de consulter la carte des vins et mon œil est attiré par la première page, celle des bières, où le nom de Cantillon est cité près de dix fois. Il se trouve que j’ai été extrêmement impressionné par cette brasserie que j’ai visitée il y a douze ans et qui m’a permis de goûter des bières hors norme remontant sur quarante ans. Il est impossible que je laisse passer l’occasion de boire des bières de cette qualité. Je vois d’autres vins qui me tentent mais il faudra les valider avec mon ami qui a la gentillesse de nous inviter.
Le menu sera fait de daurade, asperges, turbot, Wagyu et langue de wagyu. Seul le dessert est optionnel. Mes trois convives prendront un millefeuille et je prendrai des fraises des bois à la meringue.
Les amuse-bouches plantent le décor. Ils sont le fait d’un cuisinier de grand talent. Les saveurs sont subtiles, précises et complexes. De l’art pur. La Bière Cantillon Gueuze « Le Plaisir » est récente. Elle est marquée par une acidité très présente, qui élargit le goût en bouche. Elle est large, profonde et tellement déroutante. Elle s’accorde à toutes les myriades de saveurs d’une invention généreuse comme une aile de poulet qui cohabite avec du homard et de complexités aventureuses réussies.
Le Châteauneuf-du-Pape Château de Beaucastel Roussanne Vieilles Vignes 2019 est dans une période heureuse. Il est jeune mais on ne le sent pas tant son fruit est plein et joyeux. C’est un vin souriant qui va accompagner les deux poissons cuits à la perfection. Il connaîtra sans doute une période de calme et deviendra brillant dans vingt ans. Mais à ce stade de sa vie, il a toutes les qualités d’une belle jeunesse ensoleillée.
Entre les deux poissons il y a un plat à base d’asperge qui est accompagné par la Bière Cantillon Gueuze 2003. Elle est beaucoup plus sauvage que la bière « le plaisir » et elle explore des saveurs où le sel et les blés sont présents. Ce voyage dans l’inconnu ravit mon ami et son épouse. Et la cuisine française revue par un japonais talentueux est idéale pour cette bière énigmatique.
Le bœuf Wagyu est superbement cuit et forme un accord doctrinal avec le Château Rayas Châteauneuf-du-Pape 2009 riche, vif, plein et si sereinement complexe. Un bijou. Ma femme est la seule qui a reconnu que le deuxième morceau de wagyu est la langue de l’animal. Le plat et l’accord sont un rêve.
Il est évidemment quasi impossible de hiérarchiser deux vins et deux bières, mais la prime à l’originalité ira aux deux bières et la prime à la noblesse ira au Rayas 2009.
La probabilité que Romain et moi connaissions la même brasserie était infime. Je suis content d’avoir saisi cette opportunité de découvrir ces bières irréelles. La cuisine du chef est inventive, subtile et remarquablement exécutée. Notre ami a eu raison de nous inviter car ce fut une magnifique expérience. A recommencer bien sûr.