Halte non programmée chez Anne-Sophie Pic. Je dis Anne-Sophie, car même si la maison porte le nom de la famille, sans mettre en avant une génération particulière, je trouve un accomplissement qui mériterait de personnaliser le nom. C’est évidemment un compliment.
Je retrouve Anne Sophie que j’avais croisée récemment quand je déjeunais chez Hélène Darroze – elles étaient trois à représenter la cuisine féminine pour Paris-Match – et je lui demande de confectionner le menu pour moi. Je retrouve aussi Denis Bertrand avec plaisir : c’est le Hagège du vin de Rhône. Hagège est ce philologue qui parle près de 200 langues. Denis Bertrand parle tous les dialectes des grappes du Rhône. Tout dans cette maison respire l’accueil. On se sent bien. La cuisine a une maturité qui met Anne-Sophie dans le clan des grands. Dans peu d’années, attendons nous à quelques miracles. Essai d’un Côtes du Rhone Villages Domaine Chaume Arnaud 2002 de Vinsobres (quel nom de village !) qui sent le pétale de rose, et joue de gaieté avec le concombre, discret compagnon d’un crabe. Bel accord, et belle trouvaille d’un sommelier expert. Le thon est une petite merveille, qu’un sorbet à la roquette agresse de façon étonnante. Le turbot nage avec un Ermitage « de l’orée » Chapoutier 1991 qui a des arômes fumés, des esquisses de Xérès. C’est avec le lard, si bien traité puisqu’il ne brutalise pas le turbot que l’Ermitage trouve sa plus belle longueur. Une mangue délicate confirme s’il en était besoin le talent héréditaire de ce grand chef. Tout parisien qui descend dans le Sud et ne s’arrête pas chez Pic perd une année de paradis.