A l’heure du dîner nous traversons la rue pour entrer dans le parc du Tivoli où une jeunesse sage envahit l’espace. Il y a des palais chinois, des Taj Mahal en stuc et des esplanades pour des concerts de plein air. Les groupies sont déjà assis à même le sol en attendant leurs idoles. Au centre du parc on trouve une grande rotonde à la structure métallique qui évoque un peu celle des serres du jardin royal que nous avions visitées hier. Sous cette coupole se tient le restaurant The Paul. Dans ce lieu tout à fait étonnant aux volumes improbables et grandioses, la décoration résolument moderne est d’un raffinement certain. Des tableaux et des photos audacieux créent une ambiance très sympathique. Daniel, le directeur du restaurant, nous attend car Jean-Philippe avait préparé de longue date cette rencontre. Daniel s’est révélé un guide passionnant tout au long d’un voyage merveilleux dont voici le programme. D’abord, les amuse-bouche de l’apéritif : Iberico + sardine + raspberry / chicken; appele cider vinager, mustard / paella puff’ed / smoked tandoori salted cashews /plate – fennel / green.
Puis le repas : oyster & mackerel / grilled salad, crab royale / cauliflower with browned butter, dover sole, spring truffle / wild forest mushroom consommé, young spruce / himmerland sweetbread, beetroot & liquorices, black olive / French pigeon, white asparagus, hazelnut praline, chocolate bean / champagne rhubarb, cucumber, pimms / pistachio water sorbet, ymer.
Puis les mignardises : earl grey financier / Darjeeling mallow / macaron, Japanese jasmine, yuzu / espresso caramel, sharffen berger / hazelnut cream.
Daniel nous a tout expliqué de façon intelligente et notre plaisir fut total surtout par comparaison à Géranium. J’avais voulu finir mon compte-rendu du dîner de la veille sur une note d’espoir. Mais ne tergiversons pas : oublions Géranium pour garder The Paul. Ici la cuisine est inventive mais cohérente. Elle repose sur ses deux pieds, elle a une logique et met en valeur le produit principal. Le plat le plus phénoménal est celui des petits champignons de forêt en gelée. Mille évocations d’enfance reviennent à la surface pour un tourbillon gustatif infini. C’est un plat à l’émotion ultime. Mes amis, et ma fille et mon gendre venus nous rejoindre à la sortie de leur avion ont aimé le pigeon. J’ai été un peu moins ébloui.
Nous avons pris l’apéritif avec un Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1990 qui marque déjà des signes d’âge avec une farouche élégance. Ce champagne est grand, noble, racé et on le boit presque avec respect.
Au moment de passer à table Daniel nous fait goûter à l’aveugle un vin blanc. Au nez, pas de doute, c’est un bourgogne, et je hasarde un Meursault 2007. Le vin est délicieux. Et Daniel sourit de l’erreur commise aussi bien par Jean Philippe que par moi, car il s’agit d’un Vin blanc Ossian de Ségovie Espagne 2008 issu de l’agriculture biologique. Daniel nous rassure sur le fait que personne ne trouve. Ce vin au nez très expressif est plus qu’intéressant.
Nous avons poursuivi avec un Riesling Clos Sainte-Hune Trimbach 2002 qui est à un niveau de maturité parfaite. Car il est encore follement jeune mais en même temps serein, riche, accompli. L’équilibre entre acidité, fraîcheur et fruit est remarquable et la longueur est belle. Dans une carte des vins un peu rare dans le secteur des vins rouges c’est Daniel qui nous suggère d’essayer un Vosne-Romanée Hudelot-Noëllat 2007. Le vin est agréable, se boit bien, mais il manque manifestement de coffre et de structure. Nous en avons sacrifié deux, ce qui montre qu’on y prend goût.
Nous avons longuement bavardé avec Daniel qui est passionnant. Il acceptera que nous apportions nos vins quand nous reviendrons. Il nous à accompagnés à travers le parc de Tivoli jusqu’à l’entrée du parc. Dans un espace devenu désert, sur l’esplanade du concert en plein air, le monceau de canettes de bières et de déchets abandonnés donne un coup de canif à la réputation de propreté des pays scandinaves. A la sortie du Tivoli les paniers poubelles de rues débordent de canettes de bière. Les jeunes sont incroyablement nombreux, profitant d’une nuit douce pour la peupler de bières et de camaraderie. Après les restaurants Relae, Aamann, Geranium, Sankt Annae, c’est de loin The Paul qui mérite la palme et l’envie d’y retourner. Paul Cunningham, le propriétaire, va s’installer dans un immeuble « en dur » qui donne sur le parc mais où l’on entre par la rue et non par le Tivoli. Ce sera un lieu dont on parlera.