Après la session de travail au Plénitude, je rejoins ma femme et mon fils au restaurant du Pavillon de la Reine dont la cuisine est inspirée par le chef Matthieu Pacaud, fils du propriétaire historique de l’Ambroisie. Sylvain le directeur de salle est très sympathique. La cuisine est très avenante. Nous avons bu de la bière, car le soir même, nous allons festoyer avec mon fils à la maison.
Le soir donc, l’apéritif commence avec une bouteille reçue il y a quelques jours qui me pose beaucoup de questions. Avant les vacances, un fournisseur occasionnel m’avait proposé un Krug 1969 au niveau bas mais selon lui, de belle couleur. Le prix étant attrayant, j’ai payé et la bouteille a été livrée plus de deux mois plus tard. Dans une boîte en polystyrène on voit que la bouteille a fui. Elle est entourée au niveau du goulot d’un tissu de protection fermé par des rubans adhésifs, et le tissu est humide. Ceci prouve que mon fournisseur savait que la bouteille fuyait. Je sens le tissu et il pue la vinasse. Je m’en veux d’avoir acheté ce champagne si vilain. Il n’y a qu’avec mon fils que je peux boire un tel vin grabataire. Deux jours après, même en ayant enlevé le linge, l’odeur de vinasse subsiste et c’est seulement cinq jours après que l’odeur a disparu. Nous allons donc l’essayer.
A l’ouverture le Champagne Krug millésime 1969 a surtout une odeur d’âge avancé. Il semble fade. Au moment du service, environ deux heures après, l’odeur est plus normale. La couleur du champagne est presque orangée comme s’il s’agissait d’un champagne rosé. Le bouchon ne collait plus au goulot, ce qui explique la perte de volume. Nous le buvons et mon fils, fort poliment, ne le critique pas. On ressent que c’est un Krug, mais un Krug fatigué et en fin de vie. Quand je dis à mon fils que je vais ouvrir autre chose, il est soulagé.
J’avais acheté il y a quelques années un lot de Champagne Krug Private Cuvée années 60 ou 70. Mon fournisseur fidèle avait goûté une des bouteilles et m’avait conseillé le lot. J’avais assez rapidement après goûté l’une des bouteilles et j’avais été conquis. Celle que j’ouvre a un bouchon parfait, un joli pschitt et une bulle abondante. Dès la première gorgée, on sait qu’il était inutile de continuer avec le Krug 1969, car l’écart de qualité est impressionnant. Ce Grande Cuvée est magistral, vif, fin, ciselé et noble. C’est un Krug majestueux. Un grand bonheur. Avec du saucisson et des chips à la truffe, on se régale.
Pour un filet de bœuf j’ai ouvert il y a quatre heures un Hermitage M. de la Sizeranne Chapoutier 1949 au beau niveau dans la bouteille. La capsule est en plastique et le verre de la bouteille est enfermé dans un filet métallique. Le bouchon vient normalement et l’odeur à l’ouverture est engageante. Le vin est servi à l’aveugle pour mon fils et spontanément il pense Bourgogne et va même jusqu’à suggérer domaine de la Romanée Conti. Autant je comprends l’idée de la Bourgogne car le vin est d’une subtilité rare qui pousse vers cette région, autant j’approuve moins le choix de la Romanée Conti car il n’y a aucune suggestion de sel.
Pour l’âge, mon fils suggère 1981 ou 1983 et je le comprends car ce vin qui n’a pas d’âge pourrait très bien être situé dans cette période. Si je pense à l’Hermitage La Chapelle 1949, que je trouve presqu’aussi grand que le légendaire 1961, ce 1949 de Chapoutier n’est pas au même niveau, mais il est grand, d’une sensible générosité et d’une belle franchise. C’est un grand vin abouti. Nous avons passé une bien belle soirée et boire des vins avec mon fils est un plaisir particulier, car nous nous comprenons instinctivement.