Noël est proche. Je me promène dans ma cave pour trouver des vins pour les réveillons à venir et mon œil est attiré par une jolie étiquette, celle d’un Hermitage Prosper Quiot 1918 dont je n’avais pas le souvenir. En soulevant la bouteille, je vois que le niveau est bas mais la couleur belle et j’estime qu’il ne faudrait pas tarder à l’ouvrir. En consultant mon livre de cave il apparaît que c’est un achat de 2016.
Il se trouve que mon fils venu à Paris va repartir à Miami le 21 décembre. Nous avons prévu un premier réveillon de Noël le 19 décembre. Mon fils va venir chez nous le 18 décembre pour voir la finale du championnat du monde de football. Nous dînerons ensuite. C’est donc l’occasion d’ouvrir des vins que nous pourrions garder pour le réveillon du lendemain.
Mon fils arrive en plein match et la domination des argentins est inquiétante. Il faut donc se donner du courage pour supporter l’angoisse et j’ouvre un Champagne Pommery 1980. Le pschitt à l’ouverture est très significatif et énergique. La couleur est très claire et la bulle est active. On donnerait volontiers 20 ans de moins à ce champagne. Il est frais, de belle longueur et d’une acidité agréable. C’est un champagne que l’on boit avec plaisir au point qu’il aura été fini avant l’éprouvante séance des tirs aux buts, après les prolongations.
Nous passons à table pour déguster un Caviar Osciètre Prestige de Kaviari. J’avais ouvert une bouteille qui venait de m’être offerte par un ami de longue mémoire. C’est un champagne très probablement des années 40 dont le niveau avait fortement baissé. L’ami avait enlevé le bouchon d’origine qu’il a joint à l’envoi de la bouteille, et avait remis un bouchon neutre. Le Champagne Pol Roger sec années 40 a été ouvert environ quatre heures avant le repas. J’étais sans illusion. Aussi quand j’ai ouvert, sans qu’aucun pschitt ne survienne, je fus assez rassuré par cette odeur de vieux champagne mais sans réel défaut. L’aération lui ferait du bien. Et c’est le cas au service. La couleur est foncée mais pas trop et le nez est engageant. Le champagne un peu vieux est buvable et je serai plus que surpris quand en fin de repas le vin offrira un parfum délicieux et un goût d’une belle cohérence, sans signe de fatigue. Faut-il donc ouvrir de tels champagnes encore plus tôt ? Je le crois volontiers.
Pour le cœur de saumon, j’ai prévu un Chevalier-Montrachet La Cabotte Bouchard Père & Fils magnum 1992. La Cabotte est une parcelle du Chevalier Montrachet qui devrait normalement être incluse géographiquement dans le Montrachet. C’est seulement en 1992 que Bouchard a décidé de vinifier à part cette parcelle et pour ce premier millésime, n’a fait que des magnums.
La couleur du vin est d’un bel or, beaucoup plus plaisant et ensoleillé que vu à travers la bouteille. Le nez était sublime à l’ouverture. Il l’est devenu encore plus au moment du service. Ce vin est noble, précieux, joyeux, large en bouche, vif et racé. C’est un vin fruité qui a toutes les qualités dont son parfum enthousiasmant. Nous n’en buvons qu’un peu pour laisser ce vin pour le réveillon de demain.
J’avais ouvert il y a six heures l’Hermitage Prosper Quiot 1918 provenant de la cave Nicolas. J’ai versé en cachette deux verres pour que mon fils déguste à l’aveugle. Il trouve que le vin est du Rhône et il suggère les années 30. Je lui dis que si je goûtais ce vin à l’aveugle j’irais plutôt vers l’Espagne ou l’Algérie car le vin un peu torréfié m’aurait suggéré ces régions. Et je pense que c’est la perte de volume qui m’a donné cette piste. Le vin est tout simplement surprenant. Il est plus qu’agréable et il offre un fruit qu’un vin de 104 ans ne devrait pas avoir. Nous sommes face à un vin étonnant, de grand charme, de grande personnalité, qui bouscule toutes les idées sur les effets de l’âge. Son équilibre, sa longueur et surtout son fruit en font un vin de première grandeur je pense au Sidi-Brahim du début des années 30 bu à l’académie des vins anciens. On est dans le même registre d’émotion. Sur un bœuf Angus le vin s’exprime magnifiquement. Il est même capable de s’accorder avec un camembert Jort.
Ce premier soir est éblouissant.
les couleurs
la lie du 1918