Mon fils vient dîner chez ma femme et moi avec son fils. J’aime choisir des vins assez originaux quand je les partage avec lui. Cinq heures avant le dîner j’ouvre un Montrachet Bichot Négociant 1945 au niveau très acceptable. Le bouchon est sale et difficile à tirer car le haut du goulot a une surépaisseur qui empêche le bouchon de monter.
L’odeur est très désagréable de vilaine mixture, mais je sens en arrière-plan un fruité qui pourrait donner espoir.
A l’inverse, le Clos Vougeot G. Roumier et ses fils 1971 au niveau moyen, qui a un bouchon très sec qui vient entier, a un parfum à se damner. Quelle noblesse, quelle prestance ! Il est tellement prometteur que je mets un bouchon de verre au-dessous du goulot pour que ce parfum magique ne disparaisse pas.
Mon fils arrive et ma femme a préparé de délicieuses gougères. C’est l’occasion de vérifier si le Pommery 1973 servi il y a une semaine est encore vivant. Il avait été servi en Salmanazar et j’avais versé le reste dans une aiguière. La couleur est encore très claire alors qu’il y a un abondant sédiment dans la carafe, heureusement resté au fond. Le champagne est encore buvable mais il montre rapidement des signes de fatigue.
Je verse le Montrachet Bichot Négociant 1945 et la couleur grise est vraiment peu engageante. Le parfum a perdu les senteurs désagréables. Nous sommes en face d’un vin fatigué, qui n’a plus grand-chose qui évoque un montrachet, mais qui est buvable. Et les gougères gomment les imperfections.
Un gouda au cumin jouera le même rôle d’effaceur de défauts, mais si l’on veut être objectif, ce montrachet est mort. J’avais visité la cave où il reposait qui ne me plaisait pas et c’est un accident de cave qui peut expliquer cet état.
Nous passons à table et ma femme a préparé une épaule d’agneau avec de l’ail et des pommes de terre passées au four. Le Clos Vougeot G. Roumier et ses fils 1971 offre comme à l’ouverture un parfum noble et racé. Le vin est divin. Il est vif, tranchant, dynamique et ne cherche pas à plaire. En lui, aucune rondeur, mais une force de persuasion extrême. Son acidité lui donne la vivacité d’un vin jeune. Et quelle longueur ! Nous sommes ravis et le plat forme un accord majeur.
Nous parlions, nous parlions et il apparait que je devrais chercher une bouteille en cave, que l’on puisse ouvrir au dernier moment. Je choisis un Château Mouton-Rothschild 1964 qui devrait faire l’affaire. Effectivement il est tout de suite prêt à être bu. L’année 1964 fait des vins solides et un peu rigides mais je suis très favorablement surpris de voir ce Mouton aussi souple, tout en velours. C’est un grand vin intense et goûteux, au-dessus de l’idée que j’en avais.
Un Brillat-Savarin et un saint-nectaire ont cohabité avec ce vin. Le dessert de mangue et d’ananas a été mangé à l’eau. Je suis heureux de partager de telles bouteilles avec mon fils. Peu importe la faiblesse du montrachet, c’est le partage qui compte.