Dîner au bord de la mer chez ma fille cadette. Un Champagne Krug 1995 est d’une couleur joliment dorée. Le champagne paraît épanoui, marquant une belle maturité. Il y a des fruits rouges, de la pâte de fruit, et une profonde acidité citronnée. Le final est très long. Mon gendre a découpé des dés dans un grenadin de veau, juste saisis et saupoudrés de copeaux d’amandes à peine grillées. L’amande fait ressortir le goût d’amande du champagne. Des champignons de Paris presque crus se marient très bien avec le champagne en atténuant l’acidité naturelle. Il manque peut-être quelques années de plus pour que ce grand champagne devienne parfait.
Le Château Lafite-Rothschild 1981 a une belle assurance. Il est bien tramé et se marie très bien avec des filets de loups. Quand ma femme et ma fille nous disent que le Lafite est bouchonné, nous protestons, mon gendre est moi, car la perception au nez est infime et la déviation en bouche n’est pas perceptible. Notre plaisir ne se discute pas. Mais lorsque je reviens au Lafite après avoir bu le vin qui suit, le goût de bouchon apparaît nettement. Voilà un défaut qui n’avait pas dépassé notre seuil de perception et qui devient évident lorsqu’un autre vin le fait ressortir.
Et le vin qui suit est une petite merveille. C’est Vega Sicilia Unico 1989 que j’avais trouvé sublime il y a un an. Et on retrouve son charme inénarrable sur un grenadin de veau d’une tendreté extrême. Le vin puissant, lourd, a un final d’une légèreté admirable, avec une fraicheur mentholée confondante. Ce vin aux lourds tannins, à la jeunesse folle a conquis mon cœur à cause de cette fraîcheur mentholée. C’est un grand moment.
Le Lafite aurait pu nous plaire, tant son défaut était à peine perceptible au début. Mais le vin espagnol a illuminé cette soirée sous un fort mistral et une lune peignant d’argent l’onde agitée.