Après deux repas consacrés à des vins dont les bouteilles sont de bas niveaux, l’idée est de faire une respiration. Ma femme a prévu des saucisses de Morteau avec du chou. J’avoue sans fausse honte que je me damnerais pour un tel plat. J’ouvre au dernier moment un Vin de l’Etoile Bruno Vincent viticulteur 1982. L’étiquette de ce vin du Jura pourrait concourir pour le prix de l’étiquette la plus laide qui soit, car dans une sorte de coquille de noix un bateau figure une sorte de barbe, le mât une sorte de nez, une étoile un œil et une lune un autre œil ce qui fait que ce bateau pourrait être pris pour la figure d’un marin. Je ne suis pas sûr que ce fût l’intention du dessinateur mais l’effet final est assez déplaisant.
La bouteille avait perdu une partie de sa cire, dégageant une nudité partielle du haut du bouchon. La couleur à travers le verre de la bouteille est très belle et dans le verre le vin est beau, d’un jaune vert clair. Le nez est discret, sans message, et en bouche je suis incommodé par le manque de cohésion. Nous insistons mon fils et moi, mais je ne mords pas à ce vin alors que je suis un fan des vins de l’Etoile. Nous nous consolons avec la délicieuse Morteau.
L’idée me vient de donner une chance au vin sur du Comté. Et c’est fou. Ce vin imprécis, mal assemblé se transforme sur l’instant. Le Comté le ressuscite. Nous nous regardons, mon fils et moi, pour vérifier que nous avons bien la même perception. Ce vin renaît avec le Comté. Bien sûr il ne devient pas grandiose mais il est maintenant ce que j’attendais depuis le début.
Sur les autres fromages nous regardons ce que sont devenus les vins dont il reste de la veille. Le Château Rausan-Ségla 1934 s’est grandement amélioré. Il est devenu buvable sans être grand, alors qu’hier nous l’avions écarté. L’aération lui a profité. A l’inverse, le Chambolle-Musigny Les Amoureuses 1926 est fatigué faisant apparaître des notes poussiéreuses qu’il n’avait pas.
Extinction ou réveil, chaque vin suit un parcours. Cela fait partie de la magie du vin.