Le lendemain, ma femme a prévu pour le dîner un poulet fermier légèrement anisé et un gratin dauphinois puis une tarte aux pommes. Nous allons mettre un terme à la série des champagnes car j’ouvre un Vega Sicilia Unico 1991. J’ai la naïveté de croire que mon tirebouchon limonadier pourra lever le bouchon entier car c’est un vin jeune mais en fait le bouchon humecté dans sa partie inférieure se brise laissant environ un tiers dans le haut du goulot. Je m’apprête à utiliser la longue mèche qui me sert pour les vins anciens et soudain j’entends un bruit de succion. Le bouchon, happé par la dépression créée par la montée du bouchon, tombe en bas du goulot. Il est irrécupérable.
Instantanément je verse le vin en carafe, ce que n’aime pas faire. Le parfum envoûtant du vin que l’on verse nous enivre. Le vin est noir de jeunesse. Le parfum est profond et riche. En bouche c’est le fruit qui explose, généreux. Le vin va beaucoup évoluer. Ce qui va dominer, c’est son velours. Ce vin serein est vif, riche, avec des notes de fruits noirs. Il n’y a pas la fraîcheur mentholée habituelle dans le finale mais plutôt une signature de tabac. Je ne retrouverai le fenouil et l’anis que dans le parfum du vin en fin de parcours. Le velours est la vraie signature de ce magnifique vin à la jeunesse flamboyante. Il n’y a pas eu de multiplication dans l’accord, juste un bout de chemin en commun. Ce fut un agréable dîner de famille.