Par une soirée très venteuse nous allons dîner chez des amis. Au soleil couchant, le ciel nettoyé par le vent donne aux côtes varoises des îles et presqu’île des couleurs d’une grande beauté. Le Champagne Bollinger Spécial Cuvée Brut sans année donne l’impression d’être particulièrement dosé et cela gêne le plaisir, même si sa belle structure lui permet d’accompagner deux délicieux jambons ibériques et des cochonnailles de la même région. Nous poursuivons par un Champagne Egly-Ouriet Brut rosé grand cru qui a passé 52 mois en cave et a été dégorgé en novembre 2014. C’est un agréable rosé, très consensuel mais qui lui aussi souffre d’un petit manque de vibration. Une tapenade marquée d’un ail insistant tire de belle notes de ce champagne.
Nous passons à table pour une entrée d’asperges vertes et tranches de truffe d’été puis une dorade avec des pommes de terre magiquement goûteuses. Trois vins vont accompagner le repas, deux blancs pour les asperges et le poisson, rejoints par un rouge pour la dorade. Le Domaine de Trévallon blanc 2012 a un nez d’une finesse, d’une complexité et d’un charme qui m’émeuvent au plus haut point. Ce parfum montre un saut qualitatif par rapport aux deux champagnes précédents. Le vin est beau, riche, intense, profond, noble et raffiné. On est aux anges avec un tel vin gourmand et complet. Je pourrais me contenter de m’enivrer de son parfum.
L’ami qui nous reçoit m’avait dit qu’il ouvrirait un Beaucastel blanc vieilles vignes, mais en fait c’est un Château de Beaucastel Châteauneuf-du-Pape blanc 2012. Le nez n’est pas aussi impressionnant que celui du Trévallon mais pour mon grand plaisir, le Beaucastel tient parfaitement sa place à côté du Trévallon. Plus simple, mais droit, généreux, franc, il est aussi goûteux que le précédent. Des petites notes fumées cohabitent bien avec des copeaux de truffe.
Le vin que j’ai apporté est un Rimauresq Côtes de Provence 1992. C’est un splendide vin d’un épanouissement parfait. Il est garrigue ! tout en lui évoque garrigue, olive noire et romarin. C’est le sud comme je l’aime. C’est un grand vin qui est totalement intégré, accompli et montre que les Côtes de Provence de ce niveau vieillissent bien. Il n’est pas apprécié par l’un des amis qui préfère les vins blancs sur le poisson mais je trouve qu’il est remarquable avec la dorade, les pommes de terre dorées au four et un fromage de brebis affiné à la truffe. Sur le bouchon d’une très grande qualité, il y a une scène de vendange assez joyeuse mêlant hommes et femmes, possiblement dénudés. Est-ce justifié d’y voir des allusions érotiques ? Je ne sais pas.
Le dessert est un Megève, dessert au chocolat et à la meringue qui rappelle la meringue chocolatée dont la bienpensante police du langage a imposé un autre nom, le Merveilleux. Nous buvons un Champagne Bérêche & Fils Extra Brut rosé Campania Remensis dégorgé en mars 2015. Précis, net et agréable à boire, je l’apprécie pour sa netteté et une belle longueur.
Ce soir, une fois n’est pas coutume, les trois vins ont surclassé les trois champagnes, le gagnant étant le magnifique Trévallon blanc 2012.