Des amis ont séjourné pendant trois ans au Brésil pour des raisons professionnelles. Nous allons dîner chez eux et ils vont nous raconter leurs souvenirs et les voyages d’Amérique du Sud qu’ils ont eu le temps de faire. Nous sommes accueillis par une musique brésilienne, bien sûr, mais aussi par un Champagne Dom Pérignon 1996 que je trouve particulièrement excellent. Il a une maturité glorieuse combinant expression fine et douceur infinie. Les amuse-bouches sont des radis, des petites tomates colorées et de curieux litchis fourrés au gorgonzola. Nos amis avaient adopté cet accord à Sao Paulo.
Nous passons à table et commençons par une soupe de melon avec des copeaux de jambon et le vin servi à l’aveugle donne un accord fascinant car le vin et la soupe de melon sont dans une continuité totale. On peut les confondre si l’on ferme les yeux. J’ai suggéré un vin de Loire sans aller beaucoup plus loin et c’est en effet un Montlouis Romulus domaine de la Taille aux Loups Jacky Blot 2003. Ce vin doux et étrange est particulièrement lié au plat et procure un grand plaisir.
Le sujet principal du repas, c’est des pieds de porc cuits pendant 4h30 avec des légumes variés. Le plat est copieux et on se régale. Quel bonheur ! Je croyais que mon apport serait beaucoup plus puissant que le vin de mon ami. Erreur ! Le Cheval des Andes Mendoza Argentine 2004 que j’avais situé à l’aveugle en Espagne est une bombe gustative malgré les « seulement » 13,5° annoncés sur l’étiquette. Ce vin, fruit d’un assemblage de malbec et de cabernet sauvignon, est puissant comme un vin moderne mais a un finale mentholé qui signe un grand vin. J’étais toujours sceptique devant le Cheval des Andes que j’ai toujours bu jeune dans des présentations professionnelles de vins et ce soir devant ce vin de quatorze ans, je suis conquis.
D’autant plus qu’il est sur le plat plus convaincant que la Côte Rôtie La Turque Guigal 1993 dont mon ami dit qu’il fait bourguignon à côté de l’argentin. Le macho, c’est le vin de Mendoza.
Ça n’enlève rien au charme subtil du vin de Guigal qui va mieux se comporter sur une joue de porc traitée de la même façon mais séparément des pieds de porc. Il est très raffiné, mais il ne peut rien devant la force de conviction du Cheval des Andes.
Parmi les fromages il y a un brie affiné pendant des mois qui est devenu très gris foncé et recroquevillé. Il faut le cœur solide pour s’y attaquer.
Sur un rafraîchissant dessert aux framboises et fraises à la crème le vin que je n’ai pas su situer, me bornant à dire qu’il n’est pas français, est un Petit Manseng Terrazas de los Andes Single Vineyard El Yaima 2014 cultivé à mille mètres d’altitude. Il est agréablement moelleux tout en restant très frais et léger. Il forme un agréable accord.
Nos amis ont gardé leurs talents culinaires. Ils avaient tant et tant d’aventures à nous raconter que nous sommes rentrés fort tard, ravis de ce dîner raffiné et de renouer notre amitié, avec la magnifique surprise d’un Cheval des Andes à maturité.