Dîner chez Patrick Pignol. Il n’y a pas beaucoup de restaurants où je me sente si bien. Le maître d’hôtel a la technique d’un professionnel du bonneteau : on choisit le plat qu’il a décidé que l’on prendrait, mais ça se passe avec une joyeuse soumission, ce restaurant contaminant sa clientèle d’un dangereux germe de bonne humeur.
Nicolas le sommelier avait carte blanche, aussi a-t-on pu goûter des découvertes qui gratifient le patient travail de recherche accompli. Bien sûr je ne l’ai pas laissé faire au début, car j’avais soif de champagne Salon 1988. Pas besoin de sommelier pour choisir, puis succomber à ce nez magnifique, à un vineux délicat, combinant savamment charme, force et douceur. Le Pernand Vergelesses 1997 de Gabriel Muskovac a tout d’un grand vin. Beau nez affirmé et typé, et belle rondeur en bouche de suffisante longueur, qui évoque des appellations plus grandes. Très beau travail. Sur des coquilles Saint Jacques qui se parent d’un parfum d’oursin, une juteuse combinaison. Mais c’est surtout une petite tartine à la truffe qui améliore diablement ce vin. Les Fiefs Vendéens « la Grande Pièce » 1999 de T. Michon, c’est vraiment « découverte ». C’est gentil. Le fruit et le travail amusent le palais pour un verre. Mais rapidement on voit les limites d’un fort honnête vin. L’agneau parfait lui faisait du bien, le rendant plus viril. Très belle délicatesse discrète d’un Tokay Pinot Gris Sélection de grains nobles 1988 des Caves de Turckheim. C’est ce qu’il fallait sur des dattes qui avaient le charme oriental de la courtisane musquée.
J’approuve ces essais, car c’est l’intérêt de tous, professionnels, amateurs, de mettre en valeur les régions et les vignerons. Mais la vérité – encore une fois – est au fond du verre en fin de repas. Il faudrait idéalement ne jamais enlever les verres vides. Car ce sont les derniers arômes qui diront la race des vins. Le charme immédiat de certains produits flatteurs ne résiste pas à cet examen. D’autres au contraire entraînent des ovations. Les contrastes sont redoutables.