Une nouvelle fois, nous dînons chez Yvan Roux. En cuisine, ce qui se prépare nous fait saliver. L’apéritif commence par un Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1990 en magnum qui accompagne les dernières lamelles d’un Pata Negra dont Yvan vient de faire l’ultime découpe. Ce sont ensuite des fleurs de courgette en tempura avec une délicieuse sauce aux poivrons. Le champagne est à son aise, et se place bien. Je m’y habitue et il me paraît meilleur à chaque essai, équilibré, sobre mais précis, idéal pour un apéritif de bonne soif.
Nous poursuivons sur une sorte de gaspacho ou plutôt de velouté de moules aux épices dans laquelle trempe un nem aux coques et aux fortes épices. Les goûts jouent la chamade et fort heureusement le champagne sait résister. Ce plat est une création réussie, très provocante, qui n’irait pas avec un vin blanc, car il faut la bulle pour résister à ces variations gustatives en montagnes russes.
Le service ce soir est lent, aussi suis-je nerveux, voulant éviter que l’on assèche trop vite les vins que j’ai apportés. C’est ainsi que nous sommes obligés de passer au vin rouge alors qu’arrive un carpaccio de thon au pesto. C’est là que l’imagination et le savoir-faire doivent agir. Car le premier rouge est « Le Corton » Grand Cru Bouchard père et Fils 1998. Le vin est solide, sérieux, et extrêmement plaisant. Il est Grand Cru dans une version bon élève, c’est-à-dire qu’il n’y a pas la moindre faute, mais le vin ne fait pas chavirer, sans doute à cause de ce plat qui ne lui convient pas. Je mange du pain et du pain encore pour que le vin ne souffre pas du pesto.
Les femmes se partagent une petite langouste et les hommes une immense langouste. Les deux sont merveilleusement goûteuses, mais c’est la petite qui a une chair d’une délicatesse infinie. La grosse a une texture et une mâche de compétition. Et le vin qui répond à ce plat est merveilleux. C’est Clos de la Roche Grand Cru Domaine Dujac 2002. Tout en lui est un jeune premier. Quelle séduction ! Et l’année 2002 lui va bien par ces fortes chaleurs. Je suis heureux de boire un vin aussi réussi. Il est tout en rondeur, en grâce et ne fait pas très bourguignon. Il joue sur son charme.
Nous commencions à être vraiment rassasiés tant tout était copieux quand arrive pour chacun une belle part de denti, ce poisson local à la chair blanche rayée de rose. Le poisson est bien cuit, comme Yvan sait le faire, mais notre appétit rend l’âme.
Il restait quelques gouttes du champagne pour qu’un soufflé à la vanille réussi mette un point final à ce festin pantagruélique. Trois éclairs dans ce repas : le Clos de la Roche Dujac 2002, la chair de la petite langouste dont j’ai entrevu une bouchée puisque c’était celle des femme, et le beignet de fleur de courgettes. Encore une bien belle soirée d’été.