Un dîner quasi impromptu – pas tout à fait – avec un amateur qui n’a pas de repères sur les vins anciens. Mon épouse a préparé un gigot de Corrèze à la façon de Marc Meneau, des fromages et une tarte Tatin.
J’ouvre un Savigny Chanson Père & Fils 1926. Niveau assez bas. Mais le bouchon adhérait bien aux parois, collé au goulot, et en se déchirant, il a délivré des odeurs magiques. Très acide au premier nez, il aurait conduit beaucoup d’amateurs à décider de le changer. Mon visiteur à qui je servais le vin devait penser : « voilà un nécrophile qui m’impose ses lubies ». Mais soudain, très brusquement, l’acidité disparaît et le vin, comme s’il enlevait un manteau ou une coquille, offre toute sa majesté à nos palais. Mon invité a dû soupçonner je ne sais quelle manœuvre tant il est impossible qu’un vin change aussi vite. J’ai « mangé » le fond de la bouteille qui était une quintessence de perfection. Un grand vin onctueux et doux, tout en amabilité. Une grande bouteille.
Comme chaque fois, l’association Comté de 18 mois avec un Château d’Arlay Comte R. de Laguiche 1987 est une surprise gustative – pour moi l’une des plus intéressantes, même si elle marche à tous les coups – et un enrichissement, tant ce vin jaune est troublant et inhabituel. Sur la Tatin, démarrée avec un Tokaji Eszencia Disznoko 1988, l’accord le plus parfait fut avec le fond du Calvados 1880 ouvert depuis longtemps. L’association est merveilleuse. Pomme et pomme. Ça paraît simple à dire, mais ça fonctionne à ce niveau de qualité. Le retour au calme se fit avec une Liqueur de la Vieille Cure de 1911 de l’abbaye de Cénon, cadeau de mon ami Jean Luc Barré, « inventeur » de tant de belles bouteilles.