Tôt le matin nous avions choisi les galets qui seront chauffés au four et présentés sur table dans des plats à four afin que chaque convive puisse faire cuire sur des pierres des tranches fines de Wagyu. Nous avons testé le temps de passage au four des gros galets, organisé la position des plats de pierres sur la table où nous serons huit. A 16 heures, j’ouvre les bouteilles de vins rouges et le liquoreux. Les vins rouges sont conservés à une température de 15° et le liquoreux à 6°. A 18 heures, j’ouvre les champagnes qui sont conservés à 6°.
C’est à cette même heure qu’arrive Cédric, le dynamique propriétaire de la boucherie Arnoux au Pradet qui fera la cuisine et participera avec son épouse au dîner. Les paquets qu’il a apportés sont comme la hotte du Père Noël. Il a tous les ingrédients de l’apéritif, des pommes de terre, des fromages et des mangues et deux massifs morceaux de Wagyu et de Simmental, le mûrissement du Wagyu datant d’avril 2019 et celui du Simmental de mai 2019. Cédric pense que le Simmental serait le plus adapté à la cuisson sur pierre et me propose de faire un essai sur une poêle. La chair du Simmental est plus douce et plus agréable, celle du Wagyu plus typée. Contrairement à Cédric je maintiens le désir de goûter le Wagyu sur pierre et le Simmental en rôti. La femme de Cédric aura la gentillesse en fin de soirée de me dire que j’ai eu raison d’imposer mon choix.
Nos amis du sud qui avaient organisé le délicieux repas il y a deux jours nous rejoignent. A 19h30 nous sommes tous rassemblés pour l’apéritif sur la terrasse haute de notre maison. Il y a de la boutargue Kaviari Trikalinos bien moelleuse, des petites sardines La Lata de Braulio, du Cecina de Leone, du camembert Jort et du jambon Pata Negra. Le Champagne Laurent Perrier Grand Siècle magnum sans année doit être fait avec des vins d’une quinzaine d’années. Le champagne floral est hautement romantique. Tout en lui est subtil. Son raffinement est rare. C’est à mon goût avec les petites sardines qu’il exprime le mieux ses qualités. Le Pata Negra est presque trop fort pour le champagne délicat.
Cédric a préparé un foie gras mi- cuit que je trouve un peu trop onctueux pour les deux champagnes. Le Champagne Dom Pérignon 1982 est un grand champagne de charme. Il fait partie des grands Dom Pérignon. Le Champagne Krug Vintage 1982 est d’une rare noblesse, vif, noble, imposant. On serait tenté de préférer le Krug, d’une précision extrême mais le Dom Pérignon sur le registre du charme raffiné mérite les compliments. J’ouvre un foie gras en terrine dont la texture plus ferme met en valeur les deux champagnes plus que le premier foie gras.
Le grand moment est arrivé de goûter des tranches de Wagyu que chacun cuit sur une des pierres disposées sur la table. La viande a été chauffée à 40° afin que le gras soit déjà très doux. Nous avons devant nous trois vins du même millésime. Sur les premières tranches les amis préfèrent souvent le Château Rayas Châteauneuf-du-Pape 1995. Il est en effet d’un velours raffiné. Un peu plus tard, certains déclarent leur amour pour la Côte Rôtie La Turque Guigal 1995. Ce vin puissant mérite qu’on l’aime, car il a une fougue juvénile convaincante. Je ne dis rien encore car le Vega Sicilia Unico 1995 me paraît tellement au-dessus des deux autres que je ne veux pas empêcher les impressions différentes de s’exprimer. D’ailleurs, dès l’ouverture, le parfum du vin espagnol m’était apparu de loin le plus tonitruant, alors que j’attendais volontiers que La Turque soit le vin le plus affirmé.
Cuire soi-même les tranches de Wagyu sur les pierres chaudes est un plaisir rare. Alors que Cédric avait préparé un nombre quasi illimité de tranches, nous avons tous honoré son apport au point que tout a été mangé. Le Rayas est le moins puissant des trois vins mais il a un raffinement qui correspond à sa réputation de « le plus bourguignon des Châteauneuf-du-Pape ». La Turque est la plus puissante des trois Côtes Rôties de Guigal et j’ai un amour particulier pour cette Côte Rôtie alors qu’il y a vingt ans, mon cœur penchait vers La Mouline. Ce 1995 est très riche, tonique et se marie bien avec la viande. Le Vega Sicilia Unico a un parfum diabolique de cassis. En bouche il est le plus jeune des trois rouges, vin ébouriffant de jeunesse, marqué par un cassis noble et profond.
Le Simmental apparaît en pièce de bœuf copieuse, avec un gras qui n’a pas grand-chose à envier au gras du Wagyu. Les pommes de terre cuites dans la graisse de bœuf sont magnifiques. Cédric cuit comme un grand chef. On se régale de la viande et des vins, l’espagnol étant pour moi le leader et chacun des deux autres étant d’un épanouissement correspondant à ce qu’on peut en attendre.
Le saint-nectaire affiné à souhait apporte de la douceur aux trois vins. Cédric a réussi à trouver un Stilton de parfait affinage qui met en valeur le Château d’Yquem 1989. Ce qui est fou avec Yquem, c’est qu’il n’a aucun défaut. Il est comme les top-modèles de Victoria Secret. Le fromage met en valeur sa vivacité. Il a du gras mais il est aussi cinglant.
Cédric sur mes suggestions cuit des escalopes de mangues beurrées qui forment un accord avec l’Yquem ensoleillé et glorieux. Des kumquats confits préparés par ma femme ajoutent une note vive aux mangues, excitant divinement l’Yquem.
Ce dîner est le triomphe de ce que l’on appelle la cuisine bourgeoise, fondée sur des produits de qualité mis en valeur par des recettes simples. Les magiques pommes de terre méritent une mention spéciale. Chaque moment du repas a été parfait et chaque vin a été au plus haut niveau de son art. Il ne serait pas nécessaire de classer des vins si différents mais j’oserais mettre en valeur : 1 – Vega Sicilia Unico 1995, 2 – Krug 1982, 3 – Yquem 1989, 4 – Grand Siècle magnum.
Le grand moment a été le Wagyu en tranches fines cuit par chacun sur des pierres. Sur trois jours nous essayons de festoyer autour du 15 août. L’édition 2019 de cette tradition me semble l’une des plus réussies.
On cherche comment disposer les galets sur la table
on cherche les verres du dîner
les voici dans l’ordre de service des vins
la table est mise
en cuisine
l’apéritif
le foie gras
la table a maintenant les tranches de Wagyu et les pierres chaudes
mes verres