Comme chaque année, le dîner de gala de l’Académie du Vin de France se tient au restaurant Laurent. Avant cela, les membres de l’académie donnent à goûter lors d’une paulée le dernier millésime mis en bouteilles. Cette année, c’est le 2011. Les plus sérieux boivent tous les vins présentés qui sont une cinquantaine. La tentation est grande de bavarder avec les vignerons que l’on a plaisir à retrouver, ce qui limite les dégustations. J’ai bu et apprécié un Muscat Zind Humbrecht, le Clos Sainte-Hune Trimbach aérien, un Puligny-Montrachet les Pucelles domaine Leflaive puissant, un Crozes-Hermitage Graillot excellent, la Romanée Saint-Vivant du domaine de la Romanée Conti merveilleusement romantique, un Hermitage rouge Chave d’une fraîcheur extrême, un Château Gazin aux tannins de belle affirmation, le Mas Jullien très pur, le Château Simone solide et pour finir, les deux liquoreux de Cauhapé et de Fargues séduisants mais tellement jeunes !
L’apéritif permet de se rafraîchir le palais avec un Champagne Pol Roger 2004 de belle tension riche et déjà bien épanoui. Il se boit avec bonheur.
Nous rejoignons nos tables. Je suis venu avec ma fille que beaucoup de vignerons sont heureux de rencontrer car elle est souvent citée dans les aventures que ces vignerons amis me font le plaisir et l’honneur de lire. Autour de la table il y a des fidèles du restaurant Laurent du monde de la finance ou de l’administration, monsieur et madame Graillot avec lesquels j’ai en vue des agapes proches au cours desquelles l’on ouvrira de grands vins et Olivier Jullien qui est le premier vigneron languedocien à avoir rejoint l’académie. Le menu mis au point par des membres de l’académie et Alain Pégouret est : Corail d’oursins au naturel / homard servi à la façon d’une bourride, truffe blanche d’Alba / pigeon à peine fumé et rôti, champignon des bois et pommes soufflées, sauce piquante / saint-marcellin et vieux gouda / glace vanille minute, huile d’olive toscane « Castello Colle-Massari » récolte 2013 / palmiers et mignardises.
Le Riesling Clos Windsbuhl Zind-Humbrecht 2007 est une merveille de précision. Que ce vin est bon ! Il m’apporte une joie que je peux difficilement contenir. Car ce vin est parfait, joliment fouetté par le corail puissant au point d’avoir une persistance aromatique en bouche quasi infinie. J’ai eu un peu de mal à trouver l’accord avec les trois saveurs, gelée, crème et langues d’oursins. Jacques Puisais avec qui j’en ai parlé en fin de repas m’a dit : » il fallait prendre de grandes lampées du vin pour créer l’accord ».
L’Hermitage blanc J. L. Chave 2000 est riche et profond, en grand contraste avec l’alsacien précis et aérien. On est ici sur un vin terrien de belle mâche qui trouve dans la truffe blanche une résonance d’une force rare. Ce vin plein au beau fruité un peu confit est du bonheur.
Il m’est difficile de ne pas frémir quand je suis servi de La Tâche domaine de la Romanée Conti 2000. L’accord avec le pigeon et les champignons est d’un naturel absolu. Jacques Puisais l’a préféré sur les pattes du pigeon. Je l’ai préféré sur les suprêmes. C’est évidemment à la marge, car l’accord d’ensemble est divin. Le vin est d’une distinction, d’une politesse qui n’existent qu’avec les vins bien nés. Mais il sait aussi être judicieusement gourmand. Boire cette Tâche qui n’est pas la plus opulente mais laisse une belle trace en bouche est un plaisir d’un raffinement consommé.
Le Chateauneuf-du-Pape Château de Beaucastel rouge 2003 est un vin très différent, plus carré, plus facile à vivre, mais de belle joie. Il a la dure tâche d’accompagner des fromages très bons mais qui ne le font pas vibrer comme ils le pourraient.
Le Château de Fargues Sauternes 2005 a tous les attributs d’un grand sauternes, mais qu’est-ce qu’il est jeune ! Il lui faudrait trente ans de plus pour exprimer tout son talent. Il a toutefois créé un accord qui est probablement le plus original que j’aie rencontré cette année. Et le miracle de cet accord, c’est l’huile d’olive ! Car elle fluidifie la glace fondante qui claque sur le sauternes. Chapeau bas à ceux qui ont imaginé cet accord diabolique.
Comme chaque année Jacques Puisais a analysé les vins et les accords avec un brio parfois très gaulois. La cuisine du Laurent a été une fois de plus de très haute qualité, la truffe d’Alba et le pigeon rosé mettant en valeur les vins associés et l’accord du dessert tutoyant le génie.
Les dîners de l’académie du vin de France sont l’occasion de retrouver des vignerons qui comptent parmi les plus prestigieux de France. Leurs 2011 et les vins servis à table en ont fait une éclatante démonstration.