Mon fils et mon petit-fils vont partir demain mais reviendront dans une semaine. Ce départ qui n’en est pas tout-à-fait un est le prétexte pour ouvrir de belles bouteilles. Tout s’improvise. Pour l’apéritif il y a un jambon de Bayonne, un Pata Negra et de délicieuses petites sardines. J’ouvre un Champagne Salon 1996. Sa couleur est déjà légèrement dorée. Tout en ce champagne est plénitude. Il a un fruit magistral, une expression affirmée. Il est à la fois dominateur mais aussi charmant. Il est facile, fluide et c’est surtout son fruit conquérant qui me séduit. Je suis assez impressionné de voir que l’on puisse aussi facilement passer du jambon, espagnol ou français, au goût de la sardine, et que cela soit possible en sens inverse. C’est dû à la qualité des produits mais aussi à la flexibilité gastronomique de ce délicieux champagne. Nous l’essayons aussi sur un Brie à la truffe d’été dopé par une huile truffée et le Salon s’adapte avec brio.
Mon fils passe sur la plancha des tentacules de poulpes, mais quelle que soit la cuisson, ça ne nous convainc pas. Le Champagne Krug Grande Cuvée à l’étiquette ancienne qui annonce un champagne des années 80 est d’une couleur d’un ambre rosé. Le nez est d’un raffinement rare et en bouche, le saut qualitatif par rapport au précédent est spectaculaire. Ce champagne est d’une complexité rare. Il est d’une richesse incommensurable. Sur la carte de Tendre, on est au village de « Billet-Galant ». Le poulpe est hors-jeu aussi laisse-t-il la place à deux camemberts. L’un est goûteux mais exhale des parfums qui correspondent à un fort dépassement de la date de péremption. L’autre est plus jeune mais souffre d’un manque de personnalité. Alors, le roi est nu et nous devons boire ce splendide champagne pour lui-même, avec des notes de fruits roses, des intentions délicates et raffinées, conscients que nous sommes d’être en présence de la perfection de Krug dans cette expression au sommet de sa maturité.
Un Salon tout en jeunesse triomphante et un Krug tout en complexité raffinée, c’est ce qu’il fallait pour un au revoir avant de nouvelles retrouvailles dans une semaine. Dans le calme du soir, enivrés du parfum des galants de nuit qui sont bien en avance, nous avons profité de champagnes exceptionnels.