Pendant ce temps, notre ami Jean-Luc Barré continue d’animer des repas dans un esprit parfois différent. Tout récemment il réunissait des amis de longue date, qui connaissent suffisamment le vin pour « affronter » des bouteilles surprenantes, dont nous essayons de ne pas prendre le risque à wine-dinners, pour le moment. Le thème de Jean-Luc était celui de vins surprise, rarement mis sur des tables. Il y aurait donc des vins plus risqués. Avant l’apéritif, un Riesling 1970 de Charles Schelleret, un peu fatigué pour mon goût, mais typique Riesling de belle couleur. Puis un fabuleux Ambassadeurs des années 30. Tous ces apéritifs à base de vins vieux, avec des ajouts tantôt de quinine, tantôt d’écorces d’orange, apportent avec l’age une rondeur et une douceur qui en font des apéritifs parfaits. Un Saumur 1967 et un Sancerre 1959 suivirent. Nécessitant une grande oxygénation, ils ont délivré assez discrètement les caractéristiques de leur région. Pas aussi bon que des vieux Sancerre bus dans des dîners précédents.
Un Haut Bages Averous 1934 a révélé un nez splendide. Son frère aîné de 1929, Haut-Bages Averous aussi avait moins de nez mais plus de corps. Ils amenaient bien, comme la cape conduit le taureau au picador et aux banderilles vers un éblouissant Chauvin 1929, déjà dégusté, et ici de superbe texture, équilibre et sensation de plaisir. A titre d’anecdote, le fait de l’avoir goûté de nouveau et si bien apprécié m’a conduit à racheter deux bouteilles de Chauvin 29 qui – fait du hasard – étaient en vente le lendemain en salle de ventes.
Un Cahors Château de Caix de 1952 avait une jeunesse extrême. Impossible de le dater à l’aveugle dans cette décennie, tant il avait de fruit. Un vieux Cahors, fort curieusement écrit Caors de 1942 de Rolland et Cie m’a moins séduit. Une curiosité extrême dont Jean –Luc Barré a le secret : un Côtes d’Agly, appellation disparue du Roussillon, de 1928, de provenance hôtel Claridge est apparu merveilleux, sublime, doux, riche et goûteux. Le Romanée du pape de 1927 qui lui a succédé ne m’a pas séduit, Clos du Calvaire. Un Langoiran de 1949, de Roger Lafard est toujours une valeur sûre : douceur, discrétion, mais goût affirmé et pénétrant. Un bon Langoiran. Il fut suivi d’une finesse extrême, celle d’un Coteaux du Layon 1947, mythe s’il en est, Clos de l’Aiglerie. Très agréable, mais que je n’ai pas trouvé typique de sa région. Un vin « autre ». L’excellent repas de David Van Lear a été conclu sur une splendide folle blanche de 1948.
En fait, entre amis, on peut prendre des risques. En l’occurrence, il suffit d’avoir goûté l’Ambassadeurs, le Chauvin 29, le Agly 28 et le Layon 47 pour avoir goûté des vins de vrai plaisir. Et les autres se prennent alors comme des curiosités, des essais formateurs.
Ce type de dégustations n’interviendra dans wine-dinners qu’avec des amateurs dont nous connaîtrons les goûts. Pour l’instant, l’offre plus classique qui existe est le repère indispensable dans l’ascension à laquelle vous êtes conviés.