Pierre Lurton à l’écoute d’Eric Beaumard.
Olivier Barrot, directeur de la revue "Senso" et critique littéraire, et Alain Rey, le célèbre auteur du Petit Robert, auteur et chroniqueur, et lexicologue admirable.
Voici le compte-rendu de ce dîner :
L’hôtel George V a trouvé une très jolie formule en mêlant la présentation d’un livre à la présentation d’un vin sur la belle cuisine de Philippe Legendre. Ce soir, Olivier Barrot, journaliste critique littéraire et directeur de la revue Senso reçoit Alain Rey, le lexicologue qui dirige la réalisation du Robert, qui présente son nouveau livre. Erudition infinie sous l’habit d’un français moyen, étonnamment sympathique. Eric Beaumard reçoit Pierre Lurton qui présente Cheval Blanc.
Nous sommes reçus par une coupe d’un Champagne Laurent Perrier en magnum 1996, fort agréable, qui se boit facilement. C’est un champagne de soif. Le menu va montrer une fois de plus le talent d’Eric Beaumard pour susciter des accords d’une précision extrême : escargots de la fontaine de Berne à la bordelaise / sandre de Sologne rôti aux légumes d’hiver et au verjus / palombe des Landes façon bécasse / vacherin / blanc-manger à l’ananas confit, sorbet coco et citron vert.
Le Petit Cheval 2000 a un nez qui montre immédiatement que ce n’est pas Cheval Blanc. L’année le rend vaillant et l’escargot le propulse à des hauteurs qu’il n’atteindrait sans doute pas autrement. C’est un vin intéressant, mais loin des performances de son royal devancier. Le Château Cheval Blanc 1995 confirme que l’on entre de plain pied dans la perfection. Car, ça, c’est un grand vin. Et ce saint-émilion est d’une incroyable sensibilité. On est très loin des visions modernes. C’est un vin authentique, contenu, mais précis, noble. Sur le sandre, c’est un régal. Voilà coup sur coup deux accords d’une intelligence rare. Quand on place devant moi la palombe traitée comme un gibier, je me demande si le Château Cheval Blanc 1989 va soutenir le choc. Car la sublime chair est typée. Mais l’accord est lumineux. C’est un choix divin, d’autant que je ne l’aurais pas osé. Le vin est grand, d’une grande année. Il a la profondeur, la sagesse d’un vin bien formé. Pas d’extravagance, mais une grandeur sereine. Un vin idéal.
Il faut bien le vacherin pour soutenir le choc de Cheval blanc 2001 qui est tout le contraire du 1995. On est ici dans le modernisme, la jeunesse rugueuse, très loin de la fraîche prestance du 1995. C’est un vin à attendre, avec l’espoir qu’il s’arrondisse.
Je n’ai pas un amour fou de la noix de coco sur Yquem. C’est peut-être la seule réserve que je ferais à une cuisine éblouissante aux chairs justes. Le Château d’Yquem 1999 joue un peu en dedans. Il n’a pas encore trouvé sa place. Son caractère assez aqueux, peu botrytisé, l’empêche de révéler la magie Yquem. Espérons qu’il la trouve un jour.
Pierre Lurton eut la gentillesse de rappeler à cette noble assemblée que je lui avais fait découvrir Yquem 1861 lors d’un dîner mémorable. Sa description du Cheval Blanc 1995 fut lumineuse et m’impressionna, tant on sent le talent qu’il met à diriger la destinée de ce grand vin.