La grande Master Class, c’est "le génie du vin". La salle n’est pas pleine et le prix a peut-être dissuadé des amateurs.
Le Champagne Mumm cuvée R. Lalou 1998 est issu de douze parcelles vinifiées séparément, dont les vignes ont de 40 à 60 ans. Il est présenté par Didier Moretti, chef de cave, à qui j’ai raconté la relative déception du vin bu l’avant-veille. Celui qui nous est présenté retrouve ce que j’en attendais. Le nez suggère un vin très tendu. La bulle est active. Le vin est fumé, concentré, de belle fraîcheur. Il est dosé à 6 grammes. Il y a de la noisette et du fumé. Michel Bettane signale que l’assemblage est réussi quand on ne peut pas distinguer le pinot noir du chardonnay, ici à 50 – 50.
Didier a ajouté au programme le Champagne Mumm Cuvée René Lalou 1985 en magnum. Le nez est puissant, expressif et minéral. Le jaune est profond, presque encore vert de jeunesse. C’est un champagne parfait. Il a l’équilibre et la plénitude, il est rond, concentré, presque fumé et à l’évidence, gastronomique. Il a été dégorgé il y a six mois et dosé à 4 grammes. Il est d’une belle puissance et Michel Bettane dit qu’avec ce final, il est fait pour de la gastronomie lyonnaise lourde.
Le Riesling Clos Sainte Hune Trimbach 2000 est présenté par Pierre Trimbach. Il a une belle couleur jaune d’or. Le nez est superbe de raffinement. Fait dans une année solaire sur un sol calcaire, il a connu une vendange précoce. Le goût est très fumé. On sent le tabac, la minéralité et le vin est long. Jeune, il était dans le fruit et maintenant, c’est la minéralité qui apparaît. Dans dix ans il sera encore plus grand. Il n’a pas de sucre et le moelleux existe car les raisins ont été cueillis mûrs. Le parti pris de faire un vin sec est une réussite.
Le Clos de la Roche domaine Dujac 2004 est d’un rose rubis. Le nez est très riche, exprimant l’alcool et le fruit. En bouche, le vin est d’une élégance extrême. Il est beau dans sa jeunesse. Tout est subtil. Michel Bettane parle de toucher de bouche extrême. C’est la finesse qui caractérise ce vin. Il est assez acidulé, le bois est bien dosé. L’amertume et l’astringence sont bien maîtrisées. Quand le verre lui permet de s’épanouir, on sent un fruit plus joyeux. C’est une leçon d’élégance et de vinification. Je dois dire que c’est un des vins que j’ai le plus adoré de ce Grand Tasting, avec le Ridge Monte Bello 1997.
Le Château Gruaud Larose Saint-Julien 2000 est présenté par son propriétaire Jean Merlaut, qui pratique le tri à la vigne et est adepte de la cuve en béton. La couleur du vin est un peu trouble et fraise. Le nez est profond mais doux. En bouche, le vin est très boisé, et c’est le bois qui s’impose en premier. Le fruit est masqué par les tannins. Le final est sec. Michel Bettane nous dit que dès que les arômes faisandés se dispersent, se révèlent le côté floral et les épices. Ce vin est dans une phase intermédiaire. Il faudra y revenir dans dix ans.
Le Château Angélus Saint-Emilion 2000 est d’une belle couleur. Le nez est élégant et profond. C’est un vin brillant comparé au Gruaud-Larose. Il y a une belle harmonie entre le bois et de beaux fruits frais et rouges. Le final est riche. C’est un vin lourd, bien installé qui se boit avec plaisir. Hubert de Boüard parle de tannins cachemire. La fraîcheur est mentholée, l’équilibre est sensible. Le vin est vraiment bon à boire alors que le Gruaud demandera encore dix ans pour briller.
Le Vieux Télégraphe, Chateauneuf-du-Pape 1998 a une couleur qui évoque les bourgognes un peu âgés. Le nez est très doux et un peu évolué. Le goût fruité et les fruités indiquent un vin déjà évolué. Le boisé est présent et élégant. Les fruits sont un peu cuits. Thierry Desseauve parle d’un millésime mythique, un des plus brillants de ces 25 dernières années. Progressivement, le fruit devient magistral. Il faut savoir que tous les vins de ces Master Class sont servis très frais. Le vin est chaleureux, séducteur. C’est un vin aux arômes tertiaires fait pour le gibier. Il rappelle un peu les Barolos.
Le Ridge Monte Bello 1997 est élevé sur des vignes qui culminent à 900 mètres. Il a une très belle couleur rouge rubis. Le nez est riche et évoque le fruit noir, les épices mentholées et l’eucalyptus. En bouche il est rond et charmeur. Ce vin équilibré est d’une séduction extrême. Il a une finesse soyeuse, une pureté totale. Pour moi, il est immense, car sa fraîcheur eucalyptus cohabite avec une puissance sans égale.
Vient maintenant un cadeau de Pierre Lurton, non inscrit au programme. Le Château Cheval Blanc 1975 a une couleur très jeune et pure. Le nez est très jeune, rare et élégant, plein de finesse. En bouche l’attaque est très légère et agréable. Le final est un peu camphré, un peu sec et herbeux. C’est un grand vin mais un peu sec et herbeux. Pierre Lurton fait beaucoup d’humour et je vois sa cousine Bérénice Lurton qui le regarde avec des yeux marqués d’étonnement. Il dit que la texture en bouche est soyeuse et que l’on sent le tabac et le pain d’épices, ce qui ne m’apparaît pas aussi évident. Le vin s’ouvre et c’est un vin fin, comme on disait à une époque. Il a l’élégance et la longueur. Sa présence en bouche est infinie.
Le point final de cette Master Class, c’est le Château Climens Barsac 1989. Sa couleur est déjà dorée mais très jeune. Le nez est raffiné. Le vin est d’une jeunesse rare, marquée par la finesse et l’élégance. Il est joyeux et séducteur, d’une fraîcheur extrême. Je le trouve plus beau que le 1990 que j’avais goûté avec Bérénice à la présentation de Climens à Sciences Po.
Avec un journaliste gastronome italien nous nous livrons à l’exercice d’imaginer les plats qui iraient avec ces vins et cela m’a inspiré une jolie brochette de plats, dans l’ordre de dégustation des vins : carpaccio de coquilles Saint-Jacques, truffe blanche, bar, veau rosé basse température, rognon de veau, gigot d’agneau, cailles, oreiller de la belle Aurore, épaule d’agneau confite, homard.
Des vignerons souriants nous on fait goûter des trésors des vignes françaises et un vin californien exceptionnel, sans doute le plus excitant pour moi.