Les enfants vont partir demain. Nous avions fait festin pour leur arrivée. Leur départ doit aussi s’arroser. Je choisis un vin qui doit être un signe de l’importance de l’instant. Le Champagne Pol Roger Extra Cuvée de Réserve 1966 se présente dans une jolie bouteille patinée par les ans. Le bouchon s’extrait facilement. Il n’y a pratiquement pas de pschitt. La couleur est étonnamment jeune, sans ambre apparent. Le nez évoque des fruits jaunes.
En bouche, ce qui frappe en premier c’est l’équilibre et la sérénité. On sait qu’on est en face d’un champagne ancien, au pétillant sensible mais sans bulle et l’on s’aperçoit qu’il n’a pas de signe de fatigue. Il évoque des fruits jaunes et dorés, dont du citron et du pomelos. Il est extrêmement confortable. Il ne trouve aucun accord qui le sublime. Il vit sa vie, et on le boit pour lui tout seul.
On l’abandonne après l’apéritif pour le reprendre en fin de repas. Et c’est alors qu’apparaissent des signes de fatigue. Une amertume se découvre, ainsi que des notes de thé. Le vin a été magnifique sur la première moitié de la bouteille et fatigué en fin de repas. C’est une très belle expérience qu’il fallait tenter.
Sur le poulet au citron, c’est un Château Haut-Brion blanc 1989 de mon gendre qui fait son apparition. Le nez est impressionnant, car il plante le décor : on est dans la noblesse, la richesse et l’abondante complexité. Dès la première gorgée, le mot qui vient à l’esprit, c’est « respect ». Car on est face à un monstre sacré. Tout est imposant dans ce vin, la puissance, la complexité, les fruits si nombreux de tous les hémisphères, les épices innombrables. Mais s’y ajoutent une plénitude et une longueur infinie.
Alors que mon gendre est un amoureux inconditionnel de Laville Haut-Brion, nous convenons tous les deux qu’aucun Laville ne pourrait se hisser au niveau de cet impérial 1989. C’est probablement l’un des plus grands vins de notre été qui en comportait beaucoup.
Ma fille aînée, venue nous rejoindre pour quelques jours a besoin d’un vin rouge aussi hérite-t-elle d’un Hermitage Chave rouge 1995. Quel vin ! Ce qui frappe, c’est le côté velouté qui enveloppe de son charme ce vin. Le seul petit reproche, c’est que la fin de bouche est marquée par une trace camphrée qui trahit très probablement un accident de chaleur au cours de la vie du vin.
Nous avons au cours de cet été bu des vins magnifiques dont émergent, entre autres, Salon 1996, le Cros Parantoux Méo Camuzet 1999, le Pétrus 1985 et ce Haut-Brion blanc 1989. Mais il y en a tellement d’autres que je ferai le bilan plus tard. L’été n’est pas fini.