Le rangement en cave continue avec un ami fidèle. A la pause du midi, il faut soutenir le moral du combattant. Des bouteilles à niveau bas ou à incident grave ont été mises de côté. Je repère une bouteille d’Arbois à la jolie étiquette, dont le volume a baissé de moitié. Pourquoi de pas essayer quand on est sans illusion ? Dès que je décapsule le Vin d’Arbois Emile Nevers 1947, le bouchon glisse. Je tente de le rattraper mais il va plus vite que moi et plonge. Je verse deux verres et à ma grande surprise les arômes sont purs. Le vin n’est pas désagréable mais je conseille quand même à Emmanuel de cracher ce qu’il boit. Les trois ou quatre gorgées sont vivantes d’un vin qui a des intonations de vin rouge, mais il lasse vite.
J’ouvre alors une demi-bouteille de Mazy-Chambertin Maison Thomas Bassot 1945 au niveau très bas. Le bouchon résiste car il a aussi la volonté de plonger, mais je l’extrais. Le cri du bébé accouché est une puanteur que je connais, car elle disparaîtrait si nous avions quatre heures devant nous. Comme nous n’avons pas le temps, ce vin possible est aussi écarté. Je fais une nouvelle tentative avec une demi-bouteille de Château Longueville Baron 1956 qui est basse épaule mais dont le bouchon nage depuis un temps indéterminé. Là, le verdict est sans appel, nous sommes au rayon des vinaigres.
Ma patience ayant des limites, je prélève un Hermitage rouge Jean Louis Chave 2001 qui a au moins le mérite d’être du vin. Si j’avais mis cette bouteille de côté c’est que la baisse de volume, de cinq ou six centimètres est tout-à-fait anormale pour un 2001. Le bouchon ne montre aucun signe de faiblesse et n’apporte aucune explication. Le vin n’en souffre pas, plein de vitalité, avec de beaux fruits rouge foncé et de beaux tannins. La longueur est belle et joyeuse. Après trois cadavres, notre plaisir de revenir dans le monde des vivants n’en est que plus grand. Bien sûr, si l’on pousse l’analyse, il y a un léger goût torréfié qui signerait peut-être un coup de chaud avant l’arrivée dans ma cave, mais le bilan de ce vin est tout à son avantage.
Fort heureusement le nombre de bouteilles abîmées est faible, mais c’est toujours dommage de constater que l’on n’est jamais à l’abri de déconvenues. Le rangement de ma cave aidera à diminuer ce risque. Tant mieux.