Ma femme est venue me rejoindre dans le sud et peu de jours plus tard je remonte en région parisienne. Je suis seul, l’idée de dîner seul à la maison ne me sourit pas. Je téléphone à ma sœur en lui proposant que nous dinions avec son mari dans divers restaurants. Comme il y a PSG – Real Madrid, des restaurants ont préféré jouer porte close. Mais ma sœur et son mari rentrent juste de voyage et n’ont pas fait de courses. J’insiste un peu et je suis invité. Ma sœur et son mari vont vite faire des achats et je prends en cave trois flacons.
Tout penaud d’avoir imposé ce dîner j’espère me faire pardonner en ouvrant chez ma sœur un Champagne Salon 1996. Le bouchon ne peut s’extirper sans l’aide d’un casse-noix. Le pschitt est là, la couleur est très jeune et d’emblée le champagne s’impose. Il est riche, large et c’est d’Artagnan faisant virevolter sa lourde cape. Car ce Salon occupe le terrain. Il est là, il en impose et domine son sujet. Nous grignotons des petits biscuits salés, nous bavardons et la bouteille est vite asséchée.
Aussi, pour les huîtres que mon beau-frère a su trouver, nous poursuivons sur un Champagne Bollinger Brut sans année qu’il avait mis au frais. Et ce champagne est idéal pour les huîtres, car sa rondeur naturelle est vivifiée par l’iode des huîtres. On se régale.
La pièce de bœuf est délicieusement cuite, maturée à souhait et la Côte Rôtie La Landonne Guigal 1993 que j’ai apportée est idéale pour cette viande. Il y a en ce vin une profondeur extrême comme si une lourde poutre soutenait sa richesse. Des notes d’arbre tropical confirment sa puissance mais ce qui m’impressionne toujours est la note de fraîcheur mentholée que l’on trouve dans le finale. Ce vin riche qui sait être frais est diabolique.
Pour le roquefort, mon beau-frère a ouvert un Château Rieussec 1976 bien ambré. Ce sauternes est très équilibré, riche et profond. Si l’accord avec le roquefort se fait car le fromage n’est pas trop affiné, celui que l’on trouve avec de fines tranches de mandarines est riche d’intérêt. Car la mandarine rafraîchit le sauternes, sans freiner son rayonnement.
C’est alors que je sors de ma musette l’arme fatale, le Marc de rosé d’Ott 1929 que j’ai déjà plusieurs fois servi. Le contraste entre le parfum très sec et le goût viril mais aussi doucereux est saisissant. Et l’essai du marc sur des tranches de mandarine forme un accord couleur sur couleur que j’adore.
Je me suis imposé chez ma sœur, j’ai apporté des vins que j’aime. J’espère avoir été pardonné.