A travers de petites routes du Jura de magnifiques paysages rendus encore plus beaux par les contrastes de couleurs d’un ciel chagrin poussent à l’émerveillement. Même quand elle est austère, la nature inviolée est un enchantement. J’arrive à Doucier où Christophe Menozzi, président de l’association des sommeliers de Jura et Franche Comté tient un hôtel restaurant dans une zone de fort tourisme. Nous allons, ce soir à Champagnole, commenter le film Mondovino. Christophe a réuni 150 personnes, dont un fort contingent de vignerons. Je revois le film Mondovino, dont la cruauté de l’expression me frappe plus encore. Certaines personnalités sont présentées avec une méchanceté rare, même quand on semble les filmer de façon fort bonhomme. Nous avions décidé de ne discuter qu’une heure. Alors que le film avait commencé à 19h20, nous étions encore à échanger à 23h45. Il fallut clore les débats, passionnés et passionnants avec ces vignerons dont j’adore les vins. Croyez-vous qu’on allait se coucher ? Retour à Doucier où du foie gras à profusion et un délicieux coq cuit comme en famille nous permirent de goûter un reste du Corton Charlemagne 1985. Je tenais à ce que ces solides vignerons le découvrent. Je ne fus pas déçu de leurs sourires connaisseurs. Nous bûmes un vin de l’Etoile de Jean Gros 2002 dont je suis un amoureux fou. Tout le monde s’était étonné pendant la discussion que j’aie tellement insisté sur mon amour des vins de l’Etoile. Il est vrai que j’adore ces goûts. Un Arbois Pupillin de Paul Benoit « La Loge » 2002, solide comme son propriétaire et son fils, est plaisant mais plus vin blanc que vin de Jura. Un Côtes du Jura domaine Pêcheur 2000 est fort gouleyant quand un Savagnin Côtes du Jura Château d’Arlay 1990 montrait l’effet bénéfique des ans.
Les discussions furent solides comme les mets et les vins. A 2h30 du matin je croyais qu’une horloge était arrêtée, alors qu’elle donnait l’heure exacte. Ce chaud moment où l’on célébra notre amour commun de ces immenses vins du Jura fut de la plus belle amitié.
J’allais oublier d’indiquer que mon ami sommelier de Doucier, dans son hôtel-restaurant du Jura, avait voulu nous ouvrir un Hermitage 1942 et un Mouton dont je reconnaissais l’étiquette mais pas l’année. Après minuit, avec des vignerons prêts à défendre leur région, campés sur leurs vins, il me semblait que l’expérience ne valait pas d’être tentée. J’ai stoppé sa générosité. Je pense avoir bien fait. Un Hermitage de ce calibre mérite une attention soutenue. Nous avons bu en revanche un des vins du film Mondovino, le vin de l’argentin présenté « innocemment » comme un patriarche hautain, qui utilise les conseils de Michel Rolland.
J’avais trouvé, à la dégustation des primeurs 2004, que les vins faits par Michel Rolland, quand il en est propriétaire, ont une magnifique intelligence. Là, cet argentin me déplait. C’est du jus de copeaux au refrain mille fois entendu. Ce n’est pas à boire. N’en doutons pas, Michel Rolland sait faire beaucoup mieux que cela. Je ne vais pas jeter l’anathème sur une anti-preuve aussi primaire. Le Clos de Los Siete 2002 by Michel Rolland n’a pas la hauteur du personnage. Allons le retrouver ailleurs, là où il fait bien.
C’est ce que j’ai fait. La visite de son laboratoire, où l’on a goûté plusieurs vins de l’écurie Michel Rolland, avec un Clos de Los Siete meilleur que celui-ci, sera commentée plus tard.