Peter est un écossais passionné de champagne. Il visite la Champagne avec Sarah et nous nous sommes donné rendez-vous à l’Assiette Champenoise.
Arrivé longtemps en avance, j’ai le temps de mettre au point le menu avec Arnaud Lallement. Nous nous comprenons à demi-mot. Ce sera : asperges vertes et morilles / langoustine royale nage réduite / turbot breton, petit pois, radis / côte de veau de lait, gnocchis crémeux / ris de veau, navets.
Les deux premiers champagnes sont les miens, les deux suivants ceux de Peter. Le Champagne Piper Heidseick 1961 a une couleur fortement ambrée. Je m’en veux tout de suite de ne pas avoir ouvert les champagnes il y a deux heures, car comme le vin, le champagne peut avoir conservé des amertumes qui disparaissent avec le temps. Ce champagne est joliment doucereux, évoquant les sauternes secs, mais je trouve qu’il manque d’émotion. Il est là, récitant de belles saveurs, mais ça s’arrête là.
A l’inverse, le Champagne Pol Roger 1937, à la couleur plus claire, est riche de vibrations et d’émotion. C’est un champagne âgé, mais qui ne le semble pas plus que le 1961. Avec la langoustine et le turbot il réagit bien, trouvant des complexités plus belles. Il a les douceurs des champagnes anciens, plus une belle vivacité.
Le Champagne Krug 1979 est particulièrement aidé par les deux premiers qui mettent en valeur sa jeunesse, plus grande en relativité. Ce champagne a une vivacité et une tension qui s’ajoutent à sa noblesse. On est dans des évocations fumées et d’automne. Ses notes sont déliées et élégantes. Son caractère vineux est bien dosé.
Le Champagne Krug Clos du Mesnil 1998 est un gamin, floral, évoquant le printemps, plein de petites suggestions délicates, mais vraiment trop jeune. Il sera grand avec cinq ans de plus.
La cuisine d’Arnaud Lallement est d’une grande maturité, les produits étant traités avec une grande lisibilité. La langoustine est d’un grand raffinement et je suis tombé en pâmoison devant la côte de veau, plat trois étoiles s’il en est.
Il est intéressant de noter que Sarah a mis en premier le Piper 1961, pour son réveil provoqué par les plats. Il fut hautement gastronomique, même s’il a manqué, pour moi, d’émotion. Mon classement est : 1 – Krug 1979, 2 – Pol Roger 1937, 3 – Piper 1961, 4 – Clos du Mesnil 1998. Ce classement n’est pas lié à la valeur des vins, car le quatrième deviendrait premier, mais à l’aptitude à figurer dans ce dîner.
Dans une salle du premier étage, un grand nombre de vignerons s’étaient réunis. A la fin du repas, ils fumaient et buvaient sur la terrasse, par une nuit clémente. Nous les avons rejoints pour bavarder avec eux, trinquant sur leurs champagnes, tard dans la nuit.
L’Assiette Champenoise est une halte gastronomique idéale, l’ambiance et le service sont à signaler. Avec Peter, nous avons formé quelques projets d’ouvrir des champagnes rares. Il y a de belles perspectives à l’horizon.