Au port, près de ma maison du sud, il y a un restaurant de bord de mer, l’Aventure, où l’on mange de bons produits de la mer. Le patron est sympathique et l’équipe de service est très efficace. Je ne sais pas comment cela s’est passé, mais Julien, le patron, m’a autorisé de venir avec mes vins et il m’a dit avec fierté que je suis le seul à qui il octroie ce privilège. C’est un honneur qui me fait particulièrement plaisir.
Nous voulons avec ma femme aller déjeuner en ce lieu et je décide d’ouvrir une bouteille de vin avant d’aller au restaurant pour ne pas attirer l’attention si j’ouvre sur place un vin qui n’est pas sur la carte. Il est inutile d’attirer l’attention. J’ouvre un Vega Sicilia Unico 1983. Le bouchon se brise mais sans danger et quand je le sens puis quand je sens le vin, une forte odeur de bouchon attaque mes narines. Il n’est pas question de prendre ce vin et ce d’autant plus que j’offre toujours un verre au sommelier et à sa femme. Ce serait inopportun.
Je choisis donc un Champagne Krug Grande Cuvée étiquette crème dont les vins sont de la deuxième moitié de la décennie 70 et de la première moitié de la décennie 80. J’ouvre la bouteille sur place car tourner un bouchon peut se faire discrètement. Le bouchon s’est rabougri ce qui fait qu’il s’extirpe sans la moindre difficulté. La couleur est d’un or joyeux et il n’y a ni pschitt ni bulle.
L’ouvrir au dernier moment n’est pas une bonne chose. Il y a une certaine amertume qui n’a disparu qu’à la fin du repas, et j’ai ensuite pu savourer la gloire du Krug. La prochaine fois, je l’ouvrirai à l’avance, car ce champagne mérite d’être bu comme il se doit.
Cette amertume n’a pas gâché notre joie car ce jour qui est le premier avec l’heure d’été a un fort parfum de vacances, le port débordant de personnes qui veulent profiter de la première journée chaude et estivale.
La chair du saint-pierre est divine et le champagne a la souplesse suffisante pour bien s’adapter à son goût. D’un passage de l’heure d’hiver à l’heure d’été, on bascule tout d’un coup de l’hiver triste et froid à l’été chaud, promesse de bonheur.
Il restait bien évidemment le Vega Sicilia. Que fallait-il en faire ? Je n’avais pas pu le prendre pour le déjeuner du dimanche. Dimanche soir, je le sens et l’odeur de bouchon est toujours présente. Lundi midi, l’odeur de bouchon a presque disparu et le fruit commence à apparaître. J’essaie. Il est buvable, mais toujours serré. Lundi soir : plus d’odeur ni de goût de bouchon. Le vin est fruité et ample, mais pas encore excellent à 100 %. Je n’ai rien bu mardi car je préférais attendre une amie qui viendra déjeuner chez nous le mercredi.
Lorsque notre amie est arrivée, j’ai ouvert un Champagne Dom Pérignon 1985. Le champagne a un bouchon un peu serré, ce qui le rend un peu plus âgé qu’il ne le devrait. Il se présente comme appartenant au monde des vieux champagnes, alors que d’autres 1985 appartiennent encore au monde des jeunes champagnes. Mais ce n’est pas un inconvénient. Il est simplement différent. Puissant, plein d’énergie, très rond et juteux, il se montre merveilleux avec le foie gras. C’est un grand champagne, mais objectivement, je préfère le 1985 qui a conservé sa jeunesse.
Ce mercredi midi, le parfum du Vega Sicilia Unico 1983 est parfait. En bouche, le vin est ample, fruité, généreux et ne montre aucun signe de fatigue. Donc trois jours après l’ouverture, ce vin n’a plus de goût de bouchon et se montre brillant et sans fatigue. Je pense que la structure solide du vin espagnol a contribué à cette reprise. On en revient à l’adage que je suis toujours avec conviction : ‘il faut toujours donner une chance au vin’.