Le groupe Moët Hennessy loue dans Paris un appartement de haut standing pour recevoir ses clients internationaux qui passent des commandes de produits hors du commun. Il est appelé « Private Boutique » pour qu’on se souvienne qu’ici on fait du commerce, mais, évidemment, dans une ambiance de grand luxe. Lorsque je dis que la décoration du lieu évoque pour moi celle de l’hôtel du Marc, demeure de réception de Veuve Clicquot, on me répond que c’est le même décorateur qui en est l’auteur. Dans cet endroit il y a un magnifique salon cosy, une salle à manger qui peut accueillir douze personnes, une cave prestigieuse où figurent tous les fleurons des vins de Moët Hennessy comme Dom Pérignon, Ruinart, Veuve Clicquot , Moët bien sûr, Cheval Blanc, Yquem, Clos des Lambrays, Ao Yun le vin chinois, Cheval des Andes. J’en oublie peut-être. Et ces vins sont représentés dans des formats dont certains sont du domaine du rêve. Il y a aussi une représentation des alcools de Hennessy, et dans une petite salle confidentielle un cognac irréel créé pour les 250 ans de Hennessy, qui comporte les meilleures cuvées sélectionnées par les sept générations de la famille des assembleurs des cognacs sur ces 250 ans, puisque cette charge est assumée par la même famille depuis la création. Il y a dans la grande salle de la cave une table de dégustation et dans une salle à part un fumoir où se dégustent les alcools les plus réputés tout en tétant les meilleurs cigares. Tout est fait pour que le client se sente le roi.
Je suis reçu par trois cadres du groupe et nous trinquons sur un Champagne Dom Pérignon rosé 2004. Les verres choisis sont les Montrachet de Riedel, et si l’ampleur du verre donne au vin une belle assise, il n’en est pas de même des parfums qui ne se développent pas. Le champagne d’une belle couleur de rose rose (si, si, ça existe) me frappe surtout par son équilibre. On sent ce champagne assis sur ses jambes, solide et prêt pour l’éternité. Car il a une réserve de progression qui est énorme. C’est un beau champagne rosé en devenir. Un cracker à la tomate crée un accord couleur sur couleur comme je les aime.
Je suis retenu à déjeuner par l’un des trois cadres, qui est fidèle de mes dîners et nous allons au restaurant Le Pichet de Paris. Deux bouteilles de Krug nous attendent dans des seaux, l’une d’un blanc l’autre d’un rosé. Ayant le choix, je demande le champagne blanc, le Champagne Krug 2002. Nous choisissons à la carte le même menu : neuf huîtres Gillardeau N° 5 Papillon et homard bleu juste rôti beurre blanc avec une purée de pommes de terre. Cette cuisine simple fait un sans-faute, les huîtres sont goûteuses et le homard est remarquablement cuit. Si le lieu ne brille pas par sa décoration, il permet de boire dans de bonnes conditions de bons champagnes. Le Krug 2002 est superbe et il se boit dans sa belle jeunesse avec beaucoup de plaisir. Autant pour le rosé on aimerait que le vin ait une quinzaine d’années de plus pour qu’il s’exprime plus vaillamment, autant pour ce 2002, il n’est besoin de rien. Il est vif, actif, cinglant, et glorieux. On aurait envie de lui dire : « ne changez rien ! ». C’est avec les huîtres qu’il crée un accord superbe, car l’iode fait apparaître sa minéralité et son côté crayeux. L’accord avec le homard est plus tranquille.
Au cours de ce déjeuner nous avons exploré des pistes de dîners que nous pourrions faire, fondées sur des pépites de ma cave et des trésors des caves des sociétés de ce groupe vivant et entreprenant. Cette rencontre fut féconde pour échafauder des moments rares.
des flacons d’anthologie