Un ami écrivain du vin avec lequel j’aime partager de belles impressions culinaires invite quelques amis avec son épouse au restaurant le Jardin du Royal Monceau. Un banquier et un vigneron vont goûter comme moi les vins apportés par mon ami. Le menu élaboré par le chef Christophe Pelé est d’une grande précision : semoule de brocolis, minute de coques râpées de truffes blanches d’Alba / noix de Saint-jacques dorées, raddichio de trévise, pistou rouge / filet de bœuf Hereford rôti, foie gras poêlé, gnocchi de betterave, parfumé de truffe noire et vinaigre de Pedro Ximenez / fromages / Bûchette noire aux amandes, fondant café, crème glacée au gingembre.
Dans cet hôtel où les décorations variées font un patchwork « à la » Garcia, le restaurant en forme de hutte conique de Samoyèdes supportée par de lourdes hallebardes napoléoniennes est un dépaysement total. On se croit embarqué dans une soucoupe extragalactique. Le champagne Dom Pérignon 1995 est le meilleur moyen pour s’enfoncer avec délices dans les confortables fauteuils. Ce qui est fascinant, c’est la montée en régime de ce champagne généreux. Il est réglé comme un feu d’artifice : on sait que tout ira crescendo. Et la coque va évidemment lui tirer des accents de pur plaisir. Sa trace en bouche, lisible, limpide, est la signature de Dom Pérignon.
Le Puligny Montrachet Domaine Leflaive 2003 a le côté rassurant de tout vin de ce remarquable domaine. On est sur un vin qui ne joue pas sur la puissance. Sa jolie expression, non encore totalement formée, est elle aussi très claire et lisible. Un beau vin de plaisir déjà agréable maintenant.
Après La Landonne 1986 d’hier, comment allais-je ressentir la Côte Rôtie La Turque Guigal 1999 ? Il y a en effet un monde générationnel et gustatif entre les deux vins. On est ici dans la fougue de la jeunesse, avec le clou de girofle, le cassis, et cette brutalité fougueuse. Mais la viande goûteuse apprivoise tout cela. Et je profite d’un vin diablement jeune mais plaisant, à des lieues de la sérénité de La Landonne 1986, mais déjà plein de charme.
J’avais goûté avec mon ami le Banyuls de l’Etoile 75ème anniversaire. Comme l’étiquette montre en très gros le chiffre 75, le reste étant illisible, nous avions fait l’erreur la première fois de croire que c’est 1975. En fait, c’est un assemblage de plusieurs années, qui montre à l’évidence qu’il y a des composantes de plus de 50 ans, qui améliorent la patine de ce vin. C’est absolument sensuel et je suis un passionné des Banyuls. Celui-ci est lourdement alcoolique, et sur la bûche au chocolat, il peut chanter à tue-tête.
Dans un restaurant assez désert puisque l’on est avant Noël, nous avons eu un choix de vins « à la française », du plus agréable plaisir.