Quand on s’appelle Dom Pérignon, on doit être dans le hors norme. Ça commence par un mail du genre « save the date », comme cela se passe souvent. Je marque sur mon agenda : « Dom Pérignon« , mais je ne sais ni l’heure ni le lieu. Un peu vague, mon cher Watson. Le temps passant, les choses ont du mal à se préciser. Il faut quémander les informations, mais on arrive à les obtenir. On me propose de venir me chercher en limousine à l’endroit où je suis. Traduction : c’est un événement de happy few. Je décline cette offre et j’arrive dans une petite rue du 13ème arrondissement. Quoi, on deviendrait populaire ? Que nenni. Le « Rosenblum Collection and friends » est tout simplement bluffant. On se sent dans une galerie newyorkaise, avec des hauteurs de plafond invraisemblables. C’est beau, simplement beau. Ces volumes dégagent une envie de vivre dans l’exception. Il y a un « feeling » spécial dans ces murs. Les couleurs sont le noir et le blanc et sur les murs passent en boucle des photos d’Hautvillers, l’église et le cloître. Dans ce décor minimaliste mais envoûtant, une longue table en bois, le long d’une gigantesque photo de l’église d’Hautvillers et de quelques vignes. Il y a déjà des journalistes assis et je m’assieds à leur côté. Il est 15 heures, heure absolument impérative, et la seule boisson proposée est de l’eau. Les gens arrivent lentement puisqu’en France, on n’existe pas si l’on est ponctuel, et on nous sert Champagne Dom Pérignon 2002. C’est qu’il est bon le bougre avec sa vinosité conquérante. Il a un fâcheux goût de revenez-y auquel on succombe. On attend, on parle à ses voisins et l’attente de Richard Geoffroy, le monsieur Dom Pérignon devient pesante. Alors, quand est-ce que ça démarre ? Les esprits s’échauffent, la foule en délire réclame le Johnny du jour. Et, à 15h30, nous sommes appelés au centre d’une pièce. Dans une petite pyramide judicieusement éclairée, un minuscule Richard Geoffroy en hologramme, les mains dans les poches, nous explique le Champagne Dom Pérignon 2003, dont c’est le lancement commercial aujourd’hui. L’image incroyablement vivante de Richard en miniature nous raconte ce vin, d’une année atypique. Et puis, tout s’éteint dans la pyramide. On nous sert le 2003 et tout-à-coup, Richard Geoffroy, le vrai, arrive sous nos applaudissements. On se félicite, on se congratule et sur un mur apparaissent des images de quatre endroits : Hong-Kong, Tokyo, New-York et Londres. Car strictement au même moment, la même cérémonie de lancement du 2003 se déroule dans ces quatre capitales. Comme on est en direct, Richard Geoffroy va dialoguer avec chacune de ces capitales où l’on sent le plaisir ressenti par des amateurs pointus de Dom Pérignon. La question qui revient dans beaucoup de ces échanges est de savoir avec quel millésime le 2003 pourrait se comparer. Souvent, c’est 1976 qui est cité, à cause des comparaisons climatiques. Les liaisons en duplex s’éteignent et nous nous retrouvons « entre nous ». Richard Geoffroy est très fier de son 2003 et aussi de son 2004, et dit que ces deux millésimes ont considérablement soudé les équipes, car ces deux millésimes ont été des aventures. Des canapés judicieux viennent accompagner le nouveau-né, caviar, brouillade d’œufs de perdrix, risotto au safran. Ils soulignent le caractère gastronomique du 2003.
Alors, que dire de ce bébé ? Ce qui frappe, c’est sa solidité. On est sur la puissance, la force intérieure, et s’il n’est pas encore étoffé, on sent que cela va venir. Ce qui vient ensuite, c’est le caractère floral de ce vin, de fleurs blanches si caractéristiques de Dom Pérignon. Ensuite, on est impressionné par l’équilibre, la sérénité et l’aptitude gastronomique que les amuse-bouche révèlent. On sait qu’il sera grand, mais je constate qu’il l’est déjà, avec une force de caractère rare. Il me fait penser à Keira Knightley, cette actrice au charme énigmatique, qui dégage une force de caractère indestructible. Elle n’est pas pulpeuse comme les beautés latinos, mais elle en impose par son charme impérieux. Et ce 2003, c’est cela pour moi. La fleur blanche est ingénue, mais dans un gant en béton armé.
On bavarde, on bavarde, le goût de revenez-y est sans limite. Et je quitte les lieux en me disant que si ce lancement est un peu fou, le bébé célébré fera parler de lui. Et c’est le principal.