Le grand repas du 15 août est un moment extrêmement important de notre vie dans le sud. Nous sommes dans un lieu paradisiaque au bord de la mer et nous recevons des amis fidèles. Nous serons neuf car ma fille aînée vient juste d’arriver pour ce déjeuner. Ma femme mijote des plats dont elle a le secret, je cherche dans ma cave des vins qui composeront un voyage cohérent et nous échangeons mille fois nos idées pour composer le programme final.
La veille du déjeuner, vers 21 h, j’ouvre les deux magnums de champagne pour qu’ils aient le temps de s’élargir, ainsi que le jeune Clos de Tart pour la même raison.
Le lendemain matin, jour de l’événement, j’ouvre dès 9 h les autres vins. Tous les bouchons viennent entiers, il faut dire qu’il s’agit de vins jeunes, et les parfums semblent prometteurs. Les vins seront servis en groupes de deux, sauf le dernier vin liquoreux.
L’apéritif consiste en des brioches toastées revêtues de filets d’anchois, en jambon ibérique, lomo et saucisson bien français. S’ajoutent de la poutargue, du gouda au pesto, et mille autres choses. Le Champagne Veuve-Clicquot la Grande Dame magnum 2008 a un parfum particulièrement entraînant et en bouche c’est une merveille d’élégance et de subtilité. Quel beau champagne.
J’attendais que le Champagne Dom Pérignon magnum 2008 marque un saut gustatif du fait de sa personnalité, mais pas du tout. Il paraît plus massif et plus rustre que le Veuve-Clicquot. Cela m’étonne. Mais un bout de longues minutes, et surtout sur le Pata Negra bien gras, le Dom Pérignon va se réveiller en un temps record et redevenir ce que j’attendais. Finalement on peut les mettre au même niveau l’un élégant, subtil et délicat, l’autre puissant incisif et conquérant.
Mais j’ai quand même été frappé par la délicatesse du Veuve Clicquot. Les deux champagnes gagneront en vieillissant.
Le Château Haut-Brion blanc 1978 est associé à des coquilles Saint-Jacques marinées au saké et c’est une merveille. Je crois que j’ai rarement bu un Haut-Brion blanc aussi grand que celui-ci. Il a tout pour lui, racé, brillant, noble, vif et expressif. Une merveille. C’est un ‘PAME’ comme je disais il y a bien longtemps (performed above my expectation).
Le Montrachet Louis Jadot 1979 est un vin parfait. Il impressionne par sa complétude (mot que je trouve assez laid alors que plénitude est beau). Il forme avec les pommes de terre à la crème et truffe d’été un accord purement fusionnel. On boit et on mange deux saveurs imbriquées. C’est magique. Nous sommes tous subjugués que les deux vins blancs soient aussi parfaits et que les accords soient aussi pertinents.
Les deux blancs sont si disparates qu’il est difficile de les hiérarchiser. Nous le ferons en fin de repas au classement final la balance penchant mais de très peu du côté du bourguignon. J’ai classé le Montrachet devant le Haut-Brion mais la plus belle surprise pour moi est ce diabolique Haut-Brion.
Un quasi de veau accueille deux vins rouges. Le Clos de Tart 2008, que j’ai choisi pour sa jeunesse est une bombe de fruit. Quel vin énergique fou de fraîcheur. C’est un cheval sauvage, fou et indomptable.
Le Clos de Vougeot Méo-Camuzet 2001 est une pure merveille, dans un état de complétude (décidément) aussi brillant que le Montrachet. Il est riche, complet, plein en bouche et brillant. Il sera le vainqueur.
Pour les fromages, j’ai choisi deux vins du Rhône. Le Châteauneuf-du-Pape Domaine du Pégau 2007 est archétypal. C’est la garrigue la plus pure. Le vin est accueillant, sympathique et presque romantique. L’année est belle pour le Rhône et ce vin de Laurence Féraud, joyeux, séduit nos cœurs.
La Côte Rôtie La Turque Guigal 2007 est une bombe explosive. Quelle richesse ! Mais cette surpuissance nuit un peu à l’émotion. On préfère le plus champêtre des deux. Bien sûr il s’agit de deux grands vins, mais le Pégau parle plus à nos cœurs.
En trinquant avec le Château d’Yquem 1990 nous avons une pensée émue pour Alexandre de Lur Saluces qui vient de nous quitter il y a peu de jours. Ce grand homme raffiné, visionnaire, a fait beaucoup pour la renommée d’Yquem, de Fargues, des sauternes et des vins de Bordeaux, ainsi que des produits de la terre de sa belle région.
Le 1990 est dans un état d’équilibre absolu. Les sauternes quand ils sont grands, n’ont pas le moindre défaut. Sur une tarte aux mirabelles, l’accord s’est trouvé en grâce et délicatesse.
Il y avait de telles merveilles que des amis nous ont demandé que l’on vote. Nous sommes huit votants. Quatre vins ont eu des votes de premier, et chacun en a eu deux : Château Haut-Brion blanc 1978, Montrachet Louis Jadot 1979, Clos de Vougeot Méo Camuzet 2001, Château d’Yquem 1990.
Le Clos de Vougeot Méo Camuzet 2001 est le seul qui a eu des votes des huit convives votant, ce qui lui permet de terminer premier.
Le vote du groupe est : 1 – Clos de Vougeot Méo Camuzet 2001, 2 – Montrachet Louis Jadot 1979, 3 – Château Haut-Brion blanc 1978, 4 – Château d’Yquem 1990, 5 – Clos de Tart 2008, 6 – Châteauneuf du Pape Domaine du Pégau 2007.
Mon vote est : 1 – Clos de Vougeot Méo Camuzet 2001, 2 – Montrachet Louis Jadot 1979, 3 – Château Haut-Brion blanc 1978, 4 – Châteauneuf du Pape Domaine du Pégau 2007, 5 – Château d’Yquem 1990.
Le choix des vins a été apprécié de tous. Les accords mets et vins ont été réussis. What Else ! Que demander de plus ? Ce repas que nous faisons depuis près de quinze ans est un des moments forts de notre vie dans le sud.
la veille avec un ami, tri des verres pour le repas
un insecte amateur de Dom Pérignon